Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Mieux récupérer et recycler les terres rares

Issue du CNRS, la start-up Ajelis propose de construire une nouvelle filière capable de valoriser le recyclage des terres rares, au lieu de prendre le risque de polluer l'environnement. L'occasion également de sécuriser des approvisionnements stratégiques pour l'industrie électronique.

Ressources omniprésentes dans les produits high-tech (microprocesseurs, mémoires, écrans plats…), les terres rares regroupent 17 éléments chimiques stratégiques*. A l’heure actuelle, c’est la Chine qui contrôle plus de 95% de leur production mondiale – mais moins de la moitié des réserves. Face à ce monopole, la filière du recyclage de ces composés revêt un enjeu économique et écologique majeur car elle ouvre la voie à une nouvelle filière pour sécuriser les approvisionnements de l’industrie électronique. Tout en diminuant la pollution due au rejet de ces métaux dans l’environnement.

Projet Cyter. C’est dans ce conteste que, en septembre 2014, Ekaterina Shilov a créée Ajelis, une start-up issue du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). D’emblée la jeune pousse se spécialise dans la récupération et le recyclage des terres rares. Soutenue par le projet Recyclage des terres rares (Cyther) de l’Agence national de la recherche (ANR), Ajelis se base sur les travaux des chercheurs Pascal Viel, du Laboratoire nanosciences et innovation pour les matériaux, la biomédecine et l’énergie (CNRS/CEA), et Vincent Huc, de l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay (CNRS/Université Paris-Sud 11).

Adsorption sélective des métaux. Cette jeune entreprise met au point des procédés de capture sélective de métaux par de nouveaux matériaux carbonés adsorbants, comportant des calixarènes. Développés par l’équipe de Vincent Huc et brevetés conjointement par le CNRS et l’Université de Paris-Sud, ces oligomères cycliques fonctionnent comme de véritables éponges moléculaires. Constitués de groupements phénoliques reliés entre eux par des ponts méthyléniques, les calixarènes viennent capturer les ions métalliques en milieu liquide. Selon leur taille (conditionnée par le nombre de monomères phénoliques) et leur fonctionnalisation, ils adsorbent sélectivement tel métal plutôt qu’un autre. La désorption se fait ensuite par l’application d’un simple courant électrique, grâce aux feutres de carbone utilisés comme support de base pour ces matériaux et développés depuis 10 ans par Pascal Viel.
Déjà exploité en France à une échelle industrielle, avec des procédés mécaniques et physiques de retraitement suivis d’une extraction liquide-liquide, le recyclage de terres rares à partir de déchets consomme néanmoins de grandes quantités de solvants. Plus simple et moins coûteuse, la méthode innovante de récupération des terres rares mise au point par Ajelis tire parti de la spécificité conférée par le rayon atomique et la structure électronique de l’élément à piéger. Au-delà du mode opératoire, cette méthode facilite également le stockage des métaux récupérés. Lauréate en 2014 de la première phase du Concours mondial de l’Innovation 2030 et du 17e Concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes (I-Lab) en 2015, Ajelis envisage d’utiliser les calixarènes pour la capture d’autres composés, comme le Césium ou le Strontium radioactifs. La start-up étendrait ainsi son activité à la décontamination d’effluents radioactifs.

Erick Haehnsen

* Les 17 terres rares sont le Scandium (Sc), l’Yttrium (Y), le Lanthane (La), le Cérium (Ce), le Praséodyme (Pr), le Néodyme (Nd), le Prométhium (Pm), le Samarium (Sm), l’Europium (Eu), le Gadolinium (Gd), le Terbium (Tb), le Dysprosium (Dy), l’Holmium (Ho), l’Erbium (Er), le Thulium (Tm), le Ytterbium (Yb) et le Lutécium (Lu).

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