Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Marine Jeantet (CnamTS) « Cette année, la baisse du taux moyen de cotisation des AT/MP se poursuit »

Dans notre série ''Bilan 2016-Perspectives 2017'', la directrice des risques professionnels à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam-TS) fait le point sur les actions menées pour diminuer les risques professionnels. Parmi lesquels les TMS, les chutes de hauteur ou encore les risques de cancer mobilisent l'attention de cet organisme qui enregistre par ailleurs un excédent budgétaire. Lequel va se traduire encore cette année par une baisse du taux de cotisations d'accident du travail-maladies professionnelles.

Depuis 20 ans, nous assistons à une réduction des accidents du travail. En 2015, l’indice de fréquence des accidents du travail (AT) a même atteint un des niveaux les plus bas avec 33,9 accidents pour 1.000 salariés. Quels sont les secteurs qui progressent le plus et ceux qui doivent maintenir leurs efforts ?

Sur ces 20 dernières années, nous avons effectivement enregistré une consolidation de la baisse des AT du fait des efforts consentis par les entreprises en termes de prévention. C’est notamment le cas dans l’intérim (-3,7 %), dans la chimie (-2,5 %) ou encore dans le BTP (-2,6 %). Ces efforts se poursuivent mais on voit qu’il s’agit d’une affaire de longue haleine. Il existe des secteurs en pleine croissance qui doivent s’engager davantage dans une démarche de prévention. C’est notamment le cas des services d’aide à la personne qui affichent une hausse des AT de 3,4 % avec un indice particulièrement élevé de 92,7 pour 1.000 salariés. Le risque y est d’autant plus élevé que ce secteur compte un grand nombre de petites entreprises qui n’ont pas une culture de la prévention encore suffisamment bien ancrée.
Comment aidez-vous les petites entreprises à prévenir les risques d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ?

Nous avons élaboré un programme d’aides financières simplifiées doté d’un budget annuel de 25 millions d’euros par an. Il s’agit d’aider les TPE et PME de moins de 50 salariés à prévenir le risque lié à certaines activités en cofinançant l’achat d’équipements adaptés ou des formations dédiées. A titre d’exemple, Airbonus destiné aux garages et centres de contrôle technique permet de réduire le risque de cancers professionnels liés aux émissions de moteurs diesel. Citons aussi Bâtir + qui a vocation à aider les entreprises dans le BTP à prévenir les risques de chute et de troubles musculo-squelettiques (TMS).

A cet égard, quel programme avez-vous mis en œuvre pour réduire les TMS ?
Ces pathologies constituent la 1ère maladie professionnelle reconnue en France. En 2014, elles ont coûté près d’un milliard d’euros aux entreprises. Pour prévenir ce risque, nous avons lancé il y a trois ans le programme TMS Pros qui vise à accompagner 8.000 entreprises appartenant à des secteurs très divers comme l’automobile, le textile, les soins à la personne ou le BTP. Ces sociétés ne représentent que 0,4 % de l’ensemble des entreprises mais elles regroupent 1/3 des TMS reconnus et 1/3 des indemnités journalières versées au titre des TMS. Le programme d’accompagnement multisectoriel que nous leur avons concocté est accessible sur le site tmspros.fr. Il se déroule en 4 étapes. La première s’intitule « En quoi suis-je concerné ? », la seconde « Par quoi commencer ? », la troisième « Comment agir ? », et, enfin, la quatrième « Quels résultats pour mon entreprise ? ». Les résultats sont encourageants. Sur les 6.859 inscrites enregistrées fin décembre, soit 89 % des entreprises concernées, 4.225 sont parvenues à l’étape 2, 1.903 entreprises à l’étape 3 et 370 en sont à l’étape 4.

Ce programme concerne-t-il aussi les petites entreprises ?
Effectivement, ce programme TMS Pros s’adresse aussi aux TPE et PME de moins de 50 salariés. De plus, l’an dernier, nous avons lancé auprès d’elles deux aides financières pour les accompagner : TMS Pros Diagnostic et TMS Pros Action. La première contribue au financement de la formation d’une personne en interne ou à la réalisation d’une étude ergonomique des situations de travail. Laquelle doit se traduire par un diagnostic et l’élaboration d’un plan d’actions. L’aide TMS Pros Diagnostic est plafonnée à hauteur de 70% des dépenses. Elle peut atteindre 25.000 euros. Idem pour TMS Pros Action qui finance à hauteur de 50% le plan d’actions de prévention défini et l’achat de matériel pour réduire les contraintes physiques. Nous avons affecté à ce programme un budget de 10 millions d’euros. Les entreprises ont jusqu’au 15 juillet prochain pour y souscrire auprès de leur caisse régionale (Carsat ou Cramif). Fin décembre, 248 aides TMS Pros Action ont été réservées pour un montant de plus de 3 millions d’euros contre 145 aides TMS Pros Diagnostic pour un montant de 473.000 euros.
A la fin de l’année, nous avons prévu d’évaluer ce programme pour en mesurer la mise en œuvre effective et connaître son impact éventuel sur la sinistralité. Cette évaluation permettra également de savoir si l’offre TMS Pros a répondu aux attentes des entreprises et si elle leur a permis de gagner en autonomie sur la prévention des TMS.

Vous avez lancé en 2015 un programme d’accompagnement des victimes d’accidents graves du travail. Etes-vous satisfaite des premiers résultats obtenus ? Y a-t-il eu des retours à l’emploi plus rapides ?
Dans le cadre de notre action de gestion du risque, nous menons une démarche proactive auprès d’une petite proportion d’accidentés qui coûtent très cher en termes de soins et qui sont en risque de désinsertion professionnelle. Le programme est centré sur le salarié. Nous lui proposons un accompagnement en termes de parcours de soins en lien avec le médecin traitant et les services sociaux ainsi qu’un contact précoce avec le médecin du travail pour voir comment envisager une visite de pré-reprise (NDLR cette visite médicale facultative a lieu durant l’arrêt de travail du salarié, elle sert à identifier au plus tôt les difficultés pour la reprise de l’emploi et réfléchir avec l’entreprise aux solutions possibles comme un aménagement du poste de travail). Nous nous inspirons des pays européens. Pour l’instant, l’expérimentation concerne plus de 600 salariés suivis dont 70 assurés atteints de lombalgies.

Par ailleurs, quelles nouvelles actions avez-vous prévu d’entamer cette année pour sensibiliser les entreprises au coût de l’absentéisme ?
Jusqu’à présent, nous intervenions auprès des entreprises et des assurés. Désormais, nous allons regarder du côté des entreprises les plus pourvoyeuses en arrêt de travail et leur proposer des programmes d’actions car elles ne sont pas conscientes qu’elles sont atypiques.

Cette année s’achève la convention d’objectifs et de gestion entre l’État et l’Assurance maladie (COG 2014-2017) qui demande, entre autres, de démontrer l’efficience de votre action. Qu’avez vous prévu de mettre en œuvre ?
Nous allons évaluer notre action en mesurant la satisfaction des entreprises. Dans ce but, nous avons fait appel à des professionnels de l’évaluation des politiques publiques pour mesurer auprès d’un certain nombre d’entreprises l’efficacité de trois programmes nationaux : les TMS, les chutes de hauteur et l’exposition aux CMR (cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction).

Depuis 2013, la branche AT-MP est excédentaire de 750 millions d’euros en 2015, 696 millions d’euros en 2016 et 659 millions d’euros en 2017. Cet excédent vous a permis de diminuer les taux moyens de cotisations accident du travail-maladies professionnelles en 2015 et 2016. Cette baisse va-t-elle se poursuivre en 2017 ?
Les taux moyens ont effectivement enregistré deux baisses consécutives soit 2,42 % en 2015 et 2,38 % en 2016. Cette année, la baisse se poursuit avec un taux de 2,32 %.

Propos recueillis par Eliane Kan

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