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Sûreté et sécurité

Luc Guilmin (GES) : « L’alternance faciliterait l’embauche de jeunes dans nos métiers »

Interview de Luc Guilmin, président du Groupement des entreprises de sécurité (GES), né en juin 2019 de la fusion de l’Union des entreprises de sécurité privée (USP) et du Syndicat national des entreprises de sécurité privée (Snes). Le nouvel ensemble compte 180 membres pour 67 000 salariés. Luc Guilmin nous explique comment il perçoit la proposition de loi sur la sécurité globale actuellement en discussion.

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Luc Guilmin est président du Groupement des entreprises de sécurité (GES). © GES

Quelle est la position du GES concernant le proposition de loi sur la sécurité globale ?

Cette loi est nécessaire. En tout, 22 d’articles du projet de loi. Ainsi une grande partie de la loi concerne notre secteur, nos entreprises, nos salariés. Globalement, elle est affichée comme une loi sur le continuum de sécurité. Mais elle se caractérise d’abord par un renforcement de l’encadrement, sorte de préalable au continuum. Nous y souscrivons mais nous souhaitons une réorientation de certaines dispositions. Il convient que la régulation porte sur les bons éléments, les bonnes cibles. Ce qui ne nous semble pas encore le cas avec l’écriture actuelle de la proposition de loi.

Quelles sont les autres avancées significatives que vous trouvez dans cette proposition de loi ?

Il y a d’abord la reconnaissance des circonstances aggravantes en cas d’agression sur nos salariés, nos agents de sécurité privée. Je dirais que, dans l’optique d’un continuum de sécurité, c’est la moindre des choses. En parallèle, l’instauration de pénalités financières à l’égard des agents de sécurité privée est inutile et inopportune. La suppression de l’agrément palpation est également une bonne chose. En effet, la formation initiale obligatoire inclut depuis plusieurs années un module de formation à la palpation. Il s’agit d’une mesure de simplification administrative de bon sens, et qui ne grève pas la sécurisation. D’autres sujets, comme la détection cynophile d’explosifs ou la détection de drones à distance, sont plutôt de très bonnes avancées. Non pas tant qu’il s’agisse de nouveaux marchés. Mais parce que la législation va s’appliquer à tous de manière identique. Et parce que nous préparons ainsi l’avenir.

Quels sont, pour vous, les manques de ce projet de loi ?

Dans cette proposition de loi, un article propose de limiter le recours à la sous-traitance en cascade. Car celle-ci menace la qualité de la prestation. Toutefois, cet article, fait de bonnes intentions, rate la cible. En effet, il prévoit une limitation de 50 % de sous-traitance par marché. En réalité, cela crée un modèle de sous-traitance qui va ensuite se généraliser. Le risque, c’est de donner pratiquement un blanc-seing à une déstructuration encore plus forte du secteur.

Y a-t-il d’autres manques ?

Oui. Je pense à l’instauration de la garantie financière, constamment rappelée par les prédécesseurs de l’actuel ministre de l’Intérieur. Celle-ci a également été rappelée par le Livre blanc sur la sécurité intérieure et par le rapport Thourot-Fauvergue. Il manque enfin l’intégration de certains segments de la sécurité dans le livre VI : sécurité incendie, programmation et maintenance de dispositifs électroniques de sécurité. La proposition de loi s’intitule « Sécurité globale ». Elle doit alors être en cohérence avec la prise en compte globale des segments de la sécurité.

Quel devrait être le niveau de limitation de la sous-traitance en cascade ?

Il faut tenir compte de la diversité des segments de la sécurité privée. Du coup, le GES demande que les taux et le nombre de rangs de sous-traitants soient définis par décret. La proposition de loi fixe un principe général de limitation de la sous-traitance dans le domaine de la sécurité privée. Et un décret en fixe l’application en tenant compte des segments de marché. La bataille, dès maintenant, autour du taux acceptable, est idéologique mais pas pragmatique.

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Le GES défend l’idée d’une garantie financière obligatoire que les entreprises de sécurité privée devraient souscrire.

Le GES défend-il l’idée d’une garantie financière obligatoire que les entreprises de sécurité privée devraient souscrire ?

Oui. L’idée, c’est de garantir, en cas de défaillance de l’entreprise, le paiement des charges sociales. Nous rappelons que les salaires sont, eux, déjà garantis par les AGS (1). Cette garantie se contracterait auprès d’un assureur ou d’un établissement accrédité. Elle porterait sur 6 % du chiffre d’affaires de l’entreprise de sécurité privée, taux à fixer par décret. Cependant, le montant de la prime ne serait que de 1 % de ces 6 %. Pour calculer ces taux, nous nous sommes appuyés sur certains des 49 secteurs qui disposent déjà d’une garantie financière obligatoire. Comme, entre autres, les agences de voyages, agences immobilières, cabinets d’avocats, constructeurs de maison individuelles, opérateurs de travail temporaire…

L’assiette de 6 % du chiffre d’affaires semble très faible dans une industrie de labeur comme la sécurité privée…

La raison est simple : ces fameux 6 % ne représentent que ce que ne couvrent pas les AGS. Pour bien comprendre, il s’agit de couvrir le strict nécessaire en cas de liquidation. Je crois qu’il faut que certains opposants regardent comment fonctionne effectivement la garantie financière. Car ils s’opposent parfois à un mécanisme qu’ils n’ont pas compris. Ou bien ils avancent de faux contre-arguments qui cachent, bien souvent, le souhait de ne pas transformer notre secteur…

Quelle autre proposition réglementaire le GES porte-t-il ?

Je n’en citerais qu’une seule mais elle est fondamentale : embaucher des alternants dans la profession. Nous aimerions nous inscrire dans ce mouvement qui monte en puissance. Mais l’incontournable carte professionnelle d’agent de sécurité privée nécessite une formation préalable de 175 heures. Cela va à l’encontre de l’alternance. Il faudrait donc créer une carte professionnelle d’alternant. En contrepartie, la profession garantirait que l’alternant soit impérativement accompagné sur site. En clair, il faut donc modifier le livre 6 du code de la sécurité intérieure. Évidemment, nous discutons sur ce sujet avec le ministère de l’Intérieur. En outre, l’alternance faciliterait l’embauche de jeunes dans nos métiers. Sachant qu’aujourd’hui, il nous manque en permanence 15 000 agents de sécurité. Nous craignons de ne pas avoir assez de monde pour les événements de 2023 et 2024.

Vous venez de prendre la présidence du GES. Quels sont vos principaux projets ?

Ma présidence s’inscrit dans la continuité du GES depuis sa création. La priorité, c’est de renouer le dialogue social pour aboutir à une refonte des classifications des métiers repères. En effet, les marchés de la sécurité privée sont souvent calés sur ces classifications et les rémunérations associées. Or, nous avons besoin de souplesse et de mieux identifier les compétences dans ces classifications. L’objectif restant de revaloriser les niveaux de rémunérations afin de rendre nos métiers plus attractifs. De fait, les premiers échelons de nos métiers démarrent au niveau du SMIC… Cette évolution passe aussi par un niveau de formation supérieur. À ce sujet, nous avons ouvert un important chantier à l’automne dernier.

Propos recueillis par Erick Haehnsen

(1) Association pour la Gestion du régime d’assurance des créances des Salaires (par abréviation, AGS)

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