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Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

L’innovation au secours du confort thermique des opérateurs

Eté comme hiver, les opérateurs travaillant à l’extérieur des bâtiments souffrent d’inconfort thermique. Un problème sur lequel se mobilisent les acteurs du marché de l’équipement de protection individuel (EPI) avec des produits fonctionnant avec ou sans batterie pour lutter contre les fortes chaleurs ou les très basses températures.

Face aux changements climatiques, les opérateurs travaillant à l’extérieur des bâtiments sont demandeurs de vêtements, gants et chaussures capables de diminuer la chaleur du corps en cas de canicule ou de l’augmenter en cas de grand froid… Un besoin qui mobilise, entre autres, les startups et entreprises du marché des équipements de protection individuelle (EPI). Rappelons que ce secteur est dominé par quelques groupes spécialisés comme Ansell, Delta Plus Group et Coverguard, et par des généralistes. A savoir 3M et Honeywell. Selon le cabinet d’études Xerfi qui a publié une étude en début d’année, intitulée Le marché des EPI à l’horizon 2025, le chiffre d’affaires mondial du secteur s’établit à 42,7 milliards d’euros pour 2021 répartis équitablement entre l’Amérique du nord, l’Europe et le reste du monde. La France constitue un marché clé avec 1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires, en progression entre 2021 et 2022 de 6 % pour les distributeurs spécialisés et de 4 % pour les fabricants. Autant dire que la compétition est vive.

Produire du froid à la demande

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Avec ses accumulateurs de froid, la Cryovest évite les malaises liées aux fortes canicules. © Cryo Innov

Pour tirer leur épingle du jeu, les fabricants d’EPI cherchent à apporter de la valeur ajoutée à leurs produits en aidant leurs utilisateurs à faire face aux changements climatiques. Notamment pour lutter contre les fortes chaleurs. « Pour produire du froid à l’intérieur d’un vêtement, il existe différentes méthodes », explique Nicolas Bialy, président du Syndicat national des acteurs du marché de la prévention et de la protection (Synamap) et directeur commercial d’Infield Safety, entreprise spécialisée dans la protection de la vue et de l’audition. Dont l’intégration de compresses froides dans les vêtements comme le propose la société française Cryo Innov avec le gilet Cryovest. Une autre technique consiste à utiliser des textiles que l’on étire afin de produire du froid, à l’instar de ce que propose Enduracool. Ce procédé s’intègre dans différents EPI du marché. Il va d’ailleurs être proposé par Enha sur les casques de chantier, forestiers et d’électriciens. Cette nouvelle gamme d’EPI  est fabriquée en ABS stabilisé avec une nouvelle technologie de Crashbox qui absorbe jusqu’à 40 % de l’énergie cinétique en cas de chocs. Par ailleurs, le casque pour électricien disposera d’une protection latérale contre les arcs électriques.

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Ce gilet est équipé d’un système chauffant basé sur un algorithme qui détecte quand démarrer et arrêter la chauffe. © Clim8

Thermorégulation intelligente

En matière d’EPI thermorégulés, l’offre se positionne surtout pour lutter contre la chaleur. Un sujet sur lequel se distingue Clim8, une entreprise lyonnaise créée en 2016 spécialisée dans la fourniture de technologies de thermorégulation intelligente pour le sport, la moto et la défense. Sans oublier bien sûr les EPI. Le système de Clim8 intéresse les environnements basse température comme les chambres froides ou le travail extérieur en hiver. Depuis son lancement en 2019 il équipe notamment des dizaines de milliers de sous couches, vestes, gants et autres vêtements. Parmi ses clients, citons les marques américaines Mechanix Wear et Carhartt et la marque Suisse Odlo. Cette année, l’entreprise de 25 personnes va renforcer sa pénétration dans le marché professionnel avec deux nouvelles marques européennes. Point fort de Clim8, son système de thermorégulation repose sur un panneau textile chauffant en fibres naturelles ou synthétiques. D’une épaisseur de moins de 1 mm, il est alimenté par une petite batterie. Laquelle pèse moins de 100 grammes car elle ne délivre de l’énergie qu’en cas de besoin. En effet, avant d’utiliser son EPI chauffant pour la première fois, l’utilisateur renseigne son profil sur l’application où il indique ses préférences en matière de confort thermique. « Dès lors, plus besoin de téléphone, notre IA va déterminer quand le système chauffant doit être déclenché et maintenu au chaud en tenant compte de trois paramètres, le profil de l’utilisateur, son environnement de travail et son activité », indique Florian Miguet, CEO et cofondateur de Clim8.

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Ces vestes de travail intègrent des fibres de graphène. © U-Power

Fibres de graphène aux multiples propriétés

Parallèlement aux systèmes électroniques, d’autres solutions sont disponibles pour thermoréguler les vêtements sans recourir à des systèmes électroniques. C’est le cas des matériaux à changement de phase à base de cire naturelle, comme le propose l’entreprise Outlast. Autre alternative sur laquelle se penchent les industriels, l’utilisation de la fibre de graphène. Il s’agit d’un matériau thermorégulateur constitué d’atomes de carbone organisés en hexagones et formant des feuillets superposés et liés les uns aux autres. Réputé pour être plus conducteur que le cuivre et plus résistant que l’acier, ce matériau particulièrement léger permet de se rafraîchir l’été ou de se réchauffer l’hiver sans utiliser de batterie. A ses propriétés thermorégulatrices, le graphène offre en outre des propriétés bactériostatiques. Autant d’avantages qui suscitent l’intérêt des fabricants de textiles techniques. Une demande entendue par les industriels sud-coréens Huvis Corporation et NeoEnpla Co. Ltd qui ont créé une unité pilote pour produire des fibres de graphène. Et ce, en injectant un mélange-maître à base de graphène et de polyester PET dans un processus de filage. Ces fibres de couleur blanche peuvent être teintes en masse. Encore au stade du développement, ces fibres seraient antibactériennes, antiodeurs, antifongiques, antivirales, antistatiques, anti-UV et seraient capables de réfléchir les IR lointains, rapporte l’Institut français du textile et de l’habillement (IFTH). Des perspectives qui vont susciter l’intérêt des fabricants d’EPI. Certains d’ailleurs ont sauté le pas. C’est le cas de l’italien U-Power qui commercialise deux produits en graphène. A savoir, une paire de gants commercialisée depuis deux semaines ainsi qu’une veste de travail. Disponible depuis quelques mois, ce produit baptisé Wink est équipée d’un matelassage en fibres de graphène. Résultat, un t-shirt suffit l’hiver pour travailler à l’extérieur. De quoi éviter les troubles-musculosquelettiques (TMS) dus au fait d’être trop engoncé sous plusieurs couches de vêtements.

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En cas de fortes chaleurs, les pompiers peuvent souffrir d’un stress thermique durant leur intervention. © Agence TCA

Un système pour prévenir le stress thermique

En matière d’EPI thermorégulés, les fabricants français peuvent s’appuyer sur les centres de recherche comme l’IFTH et sur le pôle de compétitivité dédié à la filière textile française, Techtera. Lequel réunissait en 2020 quelques 190 fabricants de vêtement de protection en France. Ce pôle compte à son actif une vingtaine de projets accompagnés dans le domaine de la sécurité et la protection individuelle. Cela concerne notamment l’intégration dans le textile de fonctions intelligentes pour la captation et l’analyse de données mais aussi la génération d’énergie. Parmi les projets en cours, citons Etincels2 qui vise à développer une tenue et des gants plus performantes à la chaleur pour un poids optimisé avec des zones favorisant l’évacuation de la chaleur. En complément un système innovant de capteurs thoraciques et de voyants va alerter le sapeur-pompier lorsque son rythme cardiaque et sa température cutanée dépassent un certain seuil. Ce qui pourra aider les porteurs à prendre des décisions pour limiter le risque de stress thermique.

Eliane Kan

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Nicolas Bialy, directeur commercial d’Infield Safety et président du Synamap © Infield Safety

Nicolas Bialy (Synamap) : « Les entreprises françaises sont bien placées sur le front de l’innovation »

Interview de Nicolas Bialy, président du Syndicat national des acteurs du marché de la prévention et de la protection (Synamap) et directeur commercial d’Infield Safety, entreprise spécialisée dans la protection de la vue et de l’audition.

En matière d’innovation, sur quels grands axes se mobilisent les entreprises françaises ?

Elles se distinguent sur différents fronts, celui des exosquelettes, puces RFID, objets connectés mais aussi des matériaux. Sur ce terrain, l’enjeu étant de réduire leur emploi de manière à alléger les produits afin d’améliorer le confort des utilisateurs mais aussi de réduire les besoins en énergies. Cet allègement des produits favorise, entre autres, l’utilisation de thermoplastiques élastomères et de matériaux biosourcés.

En quoi les puces RFID intéressent-elles les EPI ?

L’enjeu de ces dispositifs est d’apporter de la traçabilité aux produits depuis leur conception jusqu’à leur mise au rebut. De quoi recueillir des informations sur leurs différents usages et optimiser leur durée de vie. La puce RFID facilite aussi le tri et le recyclage des produits grâce aux informations relatives à leur composition. Les fabricants d’EPI et les entreprises utilisatrices sont de plus en plus nombreux à adopter cette technologie qui nécessite toutefois de veiller à ce que les données des utilisateurs restent confidentielles, conformément au RGPD.

Qu’en est il des objets connectés ?

Les dispositifs connectés confèrent aux EPI de la valeur ajoutée pour améliorer la sécurité du porteur ou le faire gagner en productivité. Je pense notamment aux casques qui intègrent des capteurs de gaz ou de fumées ou encore aux lunettes qui utilisent la réalité augmentée. Le service R&D d’Essilor Luxotica y travaille. Ces lunettes vont permettre d’afficher sur les verres des informations pour aider dans leur tâche le technicien de maintenance ou l’opérateur de chantier à positionner une pièce.

 

Propos recueillis par Eliane Kan

 

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Le fil RFID de Primo1D offre l’avantage de s’introduire discrètement dans les vêtements. © Primo1D

Un fil RFID pour tracer les EPI

Tracer les EPI tout le long de leur cycle de vie, c’est ce que propose le français Primo1D, une entreprise issue en 2013 du CEA-Leti qui fournit un fil RFID UHF avec un numéro unique pour faciliter l’identification et la traçabilité des produits du Retail et des vêtements de travail. Plusieurs fabricants ont sauté le pas pour adopter ces tags E-Strip W qui font 4 mm de largeur et de 70 à 140 mm de longueur. « Leur taille permet de les intégrer à une étiquette thermocollable ou dans le surjet des vêtements » , fait valoir Isadora Romand, en charge du marketing et de la communication de Primo1D. L’entreprise qui fête cette année ses 10 ans voit l’avenir en rose puisqu’elle a bénéficié de plusieurs levées de fonds dont 15 millions d’euros en 2021 afin d’augmenter sa capacité de production.

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