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Sûreté et sécurité

L’IAURIF dresse l'état des lieux de la Police prédictive en France

Grâce à l’intelligence artificielle et au Machine Learning, la capacité à prédire l'occurrence d’un délit devient peu à peu réalité. Mais les forces de l’ordre françaises n’en sont qu’à leurs balbutiements. L’Institut d’aménagement urbain d’Île-de-France (IAURIF) a réalisé une étude à ce sujet, mettant l'accent sur une plateforme d’analyse décisionnelle prédictive développée par la gendarmerie nationale.

A l’instar du film de Spielberg « Minority Report », dans lequel un système de surveillance est capable de détecter les graines criminelles chez l’homme, la prédiction des comportements déviants pour éradiquer la délinquance semble peu à peu s’ancrer dans la réalité. Et ce grâce à la naissance d’algorithmes de Machine Learning toujours plus sophistiqués. Fantasme malsain ou vision innovante ? Quoi qu’il en soit, la police prédictive fait polémique. A cet égard, l’Institut d’aménagement urbain d’Île-de-France (IAURIF) a réalisé une étude dans laquelle Camille Gosselin, auteure et urbaniste en prévention et sécurité, dresse un état des lieux du positionnement français quant à cette question épineuse.

Des critères géographiques plutôt que comportementaux
En ligne de mire, certains dispositifs de police prédictive tels que Predpol se sont démocratisés au sein des polices américaines afin de détecter les faits de délinquance les plus attendus. Mais en France, pour des raisons juridiques et éthiques, les services de sécurité éprouvent des réticences à aller aussi loin et préfèrent se concentrer, non pas sur les critères comportementaux des individus, mais sur les zones géographiques sensibles ou, en d’autres termes, sur une cartographie des quartiers les plus sensibles.

De nombreux acteurs interrogés
Côté réglementaire, l’urbaniste a questionné la position française et ses acteurs tant publics que privés, en faisant intervenir des organismes tels que la Commission nationale Information et libertés (Cnil), la mission Etalab et l’Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ). En outre, l’auteure a découvert que certaines expérimentations étaient menées à la gendarmerie nationale dans le but de développer un outil de police prédictive. « Initialement, l’ambition était de mettre à plat l’ensemble des dispositifs existants, d’en proposer un état des lieux tant sur leur fonctionnement que sur leurs usages concrets au sein des différentes organisations investissant le sujet », relate l’auteure de l’ouvrage. Or, il semblerait que ce sujet n’ait pas recueilli l’approbation unanime auprès des différentes composantes des forces de l’ordre. Que ce soit pour des raisons de confidentialité ou de désapprobation, « seuls certains agents de la gendarmerie nationale ont bien voulu échanger sur le projet actuellement engagé au sein de leur administration. » Une fois les interlocuteurs trouvés, l’enquête a donc été réalisée entre mai et septembre 2018. Parmi eux figurent des membres du Centre de Recherche de l’Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale (CREOGN) et du Service Central de Renseignement Criminel (SCRC). Ce dernier étant, justement, en charge du développement d’une plateforme prédictive. « C’est ainsi que nous avons pu récolter les témoignages de commandants de groupement qui ont participé à l’expérimentation de cet outil. »

Un bon outil managérial mais pas assez opérationnel
Concrètement, les expérimentations en cours à la gendarmerie nationale visent à développer une plateforme d’analyse décisionnelle pour prédire certains faits de délinquance en s’appuyant sur une base de données rassemblant un certain nombre de délits enregistrés ces huit dernières années. Reste que, concernant l’utilité même de cette plateforme, les points de vue divergent. Du côté de la hiérarchie, elle est surtout considérée comme un « point de vue statistique » sur la délinquance par types de faits et par départements. Pour ce qui est des agents sur le terrain, du moins ceux qui ont eu accès à l’outil, les aspirations se tournent vers un dispositif qui pourrait aider à patrouiller en temps réel. Certains modules ont d’ailleurs été particulièrement appréciés, notamment un module de projection statistique concernant certains délits ainsi qu’une carte de « chaleur interactive » correspondant au « volet plus opérationnel de l’outil ». En revanche, certains agents critiquent le manque de précision des prédictions, à commencer par les distinctions horaires, les caractéristiques du bâti ou encore les facteurs météorologiques.

Ségolène Kahn

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