Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risque incendie

Les hyperviseurs vont-ils absorber la sécurité incendie ?

Le monde de la sûreté-sécurité a opéré sa convergence dans des hyperviseurs. Il en résulte une plus grande efficacité opérationnelle. L’idée d’absorber les systèmes de sécurité incendie fait son chemin mais la route sera longue. En cause, la réglementation et la normalisation. Sur le terrain, la robotique fait un peu bouger les lignes.

Dans un bâtiment ou sur un site industriel, les systèmes de sécurité ont réussi leur convergence. Protection périmétrique, contrôle d’accès, vidéosurveillance… Tous ces systèmes autrefois en silos ont fait leur révolution sur le terrain de l’interopérabilité. Résultat : un radar de protection périmétrique peut envoyer sur le réseau IP (Internet Protocol) les métadonnées qui vont aider une caméra PTZ à zoomer sur l’intrus, déclencher des éclairages, sirènes ou hauts-parleurs au travers d’un VMS (Video Management System) ou d’un hyperviseur. A présent, même les solutions de gestion technique du bâtiment (GTB) ou de gestion technique centralisée (GTC) frappent également à la porte de la convergence des données dans un même système d’information. Que ce soit pour les raisons de confort, de productivité ou de sécurité, l’intérêt de cette démarche unificatrice consiste à raccourcir les délais de levée de doute et les temps d’intervention. Forte de ces avantages, la convergence pourrait-elle également absorber dans le même hyperviseur les systèmes de sécurité incendie (SSI) ?

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Pour Didier Richoux (B27-AI), l’hyperviseur ne peut pas déclencher d’action sur le système de sécurité incendie. © D.R.

SSI : des équipements très normalisés

« La partie SSI est très normalisée. Linstallation est constituée d’un Équipement de contrôle de sécurité (ECS ) et d’un centralisateur de mise en sécurité incendie (CMSI). Le premier raccorde tous les bus de détection incendie et les bus de déclencheurs manuels. Le second déclenche les asservissements des dispositifs actionneurs de sécurité (DAS) : clapets, portes, extracteurs de désenfumage, etc., rappelle Didier Richoux, consultant sûreté-sécurité et SSI chez B27-AI (ex-Archimen), un cabinet d’ingénierie tous corps d’état. Le cas échéant, cette configuration peut converger vers une Unité d’aide à l’exploitation (UAE) certifiée par le Centre national de prévention et protection (CNPP). » À partir de là, les opérateurs exploitent l’installation aussi bien pour vérifier l’état des détecteurs et DAS que pour inhiber un détecteur. C’est le cas lorsqu’il faut effectuer des travaux dégageant de la chaleur, de la fumée, voire des flammes. « L’hyperviseur n’a pas cette possibilité. Il ne peut pas déclencher d’action sur le SSI », reprend Didier Richoux.

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Marc Pichaud, co-fondateur de Just Do IP, un cabinet spécialisé dans les problématiques de vidéosurveillance. © D.R.

SSS : un manque certain d’interopérabilité

À l’inverse des SSI, les systèmes de sûreté-sécurité (SSS) ne sont ni normalisés ni même obligatoires. « Aucune loi n’oblige un site industriel, un bâtiment de bureaux ou un établissement recevant du public (ERP) à installer une centrale d’alarme ou des caméras de vidéosurveillance », remarque Marc Pichaud, co-fondateur de Just Do IP, un cabinet spécialisé dans les problématiques de vidéosurveillance. Même la convergence GTB/GTC et SSI reste difficile, faute de standard d’interopérabilité. « La seule interopérabilité actuelle se base sur le standard Onvif et celui-ci porte sur la vidéosurveillance, pas sur la détection de mouvement. Du coup, la détection thermique, on en est loin !, poursuit Marc Pichaud. Rappelons qu’il est interdit de connecter une caméra thermique sur un réseau SSI, en dehors de celle d’Araani, la seule à être certifiée par le CNPP. Et encore, il s’agit plus d’un capteur thermique que d’une caméra. En effet, à la différence des caméras thermiques en vidéoprotection, celle-ci ne peut être alimentée en PoE (Power over Ethernet, alimentation électrique par le réseau Ethernet/IP) et doit être reliée à la centrale SSI par contact sec. Cela donne une idée des difficultés à essayer de faire converger SSS et SSI. » Sans compter que les installateurs SSI n’ont ni les mêmes compétences ni la même culture que les installateurs SSS. Par ailleurs, la détection d’incendie par la vidéo se développe mais il n’est pas question d’utiliser les caméras à des fins de surveillance.

L’enjeu de l’IA

La convergence SSS/SSI sur un hyperviseur a-t-elle alors un sens ? « Oui car elle va faciliter le travail des agents de sécurité. Mais attention à ne pas prendre le risque de concentrer tous les applicatifs (SSS, SSI, GTB/GTC) sur un seul et unique poste de travail car s’il tombe en panne, on perd toute maîtrise, avertit Didier Richoux. Chez les opérateurs d’importance vitale (OIV), nous installons plusieurs postes d’exploitation et nous segmentons les réseaux virtuels locaux (VLAN) : un réseau pour la vidéo sur boucle optique dédiée, un réseau pour le contrôle d’accès, un autre pour la détection d’intrusions… » Une chose est sûre : « Les technologies de la sûreté-sécurité ne vont pas se substituer à celles de l’incendie mais elles vont se compléter », insiste Philippe de Lauzanne, DG du groupe Périn Sécurité, spécialisé dans l’installation de sécurité électronique et la télésurveillance. Mais grâce à l’intelligence artificielle (IA), il sera possible d’ouvrir des champs de détection très en amont des phénomènes physico-chimiques, thermiques, thermodynamiques dans les processus industriels, les installations de chauffage, les circuits électriques… Et de ne solliciter l’humain que lorsque c’est nécessaire. Et surtout le plus en amont possible. »

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Concentrant au sein d’un même robot mobile la détection d’intrusion et la détection incendie, l’e-Vigilante s’interface avec les hyperviseurs du marché. © D.R.

Robotiser la levée de doute

Dans ce contexte, la société Ubecome apporte son eau au moulin de l’alerte et de la levée de doute en remettant en jeu un robot bien connu : l’e-Vigilante. Détection d’intrusions, de départs de feu, de situations anormales comme la hausse de température, le son d’une fuite de gaz… Le robot rondier a tous ses sens en alerte. Il couvre 6 000 m² en moins de 10 minutes. Il embarque une kyrielle de capteurs : un lidar à longue portée (jusqu’à 50 mètres) et des roues odométriques (capables de compter la distance parcourue), une caméra temps de vol pour la détection volumétrique et la vision 3D, une caméra thermique, une caméra jour/nuit, un micro interne, un capteur de température et un capteur hygrométrique. « Nous pouvons intégrer d’autres capteurs à la demande. Par exemple des capteurs de gaz spécifiques ou de particules, explique Chockri Baaziz, le fondateur d’Ubercome dont la plateforme logicielle s’interface aux VMS de Genetec et de Milestone. L’avantage du robot, c’est d’automatiser les rondes sans changer les infrastructures de sécurité-sûreté et de sécurité incendie pour la surveillance de sites industriels, d’entrepôts ou de data center (avec un robot dérivé : Captain DC). » Autrement dit, la robotique fait entrer la levée de doute dans l’ère multi-fonction sur hyperviseur. Mais ce sera toujours le SSI qui actionnera les équipements de sécurité incendie.

Erick Haehnsen

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