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Santé et qualité de vie au travail

Les Français risquent de devenir des ''dormeurs sentinelles''

A l'occasion de la 16ème Journée du sommeil, ce 18 mars, deux enquêtes dressent l'état du déficit en sommeil de nos concitoyens. La première met en garde contre les méfaits des écrans au lit. Quant à la seconde, elle préconise la sieste au travail.

En s’invitant sur le traversin, nos tablettes, ordinateurs, smartphones et montres connectées contribuent à induire de nouveaux comportements qui modifient nos habitudes de vie et de sommeil. Tel est le cri d’alarme que pousse l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) qui a choisi, à l’occasion de la 16ème Journée du sommeil qui a lieu ce vendredi 18 mars, le thème Sommeil et nouvelles technologies. Un thème qui a également fait l’objet d’une enquête menée avec la MGEN.

Manque de sommeil : 1/4 des Français touchés. Premier constat, les Français dorment en moyenne 7h05 par nuit en semaine et 8h10 le week-end, des valeurs qui restent dans les normes actuelles des pays industrialisés. Pour autant, la population ne dort pas suffisamment les jours de travail, puisque le manque de sommeil touche un quart des Français au point de devoir récupérer plus de 1h30 de sommeil par nuit le week-end et que près d’un tiers des Français déclare souffrir d’au moins un trouble du sommeil. Toujours selon l’étude, 73% des individus déclarent se réveiller au moins une fois par nuit environ 30 minutes. Des nuits réduites, entrecoupées ou de mauvaise qualité qui, par ailleurs, retentissent naturellement sur l’éveil des Français dans la journée puisque 25% d’entre eux se déclarent somnolents.
De son côté, une étude menée par Occurrence, un cabinet conseil en communication, comptabilise ce déficit d’heures de sommeil à 15,6 milliards en France, soit l’équivalent de 2 semaines par an (316 h) ! Les personnes en activité cumulent 50h supplémentaires de déficit de sommeil sur un an par rapport aux inactifs. Parmi les actifs, la différence en fonction des professions est quasiment inexistante. On observe cependant de faibles variations entre les actifs du privé et du public. Le manque de sommeil et la fatigue réduisent de 2h en moyenne l’efficacité au travail pour un salarié français sur une semaine. Environ 12 jours d’efficacité seraient ainsi perdus par an et par salarié (cette hypothèse prend comme base un an avec 52 semaines complètes, moins 5 semaines de congés payés).
La moitié des Français se disent peu ou pas efficaces au travail pour une partie de la journée. Sur la base d’une journée de 8h, ils seraient en moyenne efficaces entre 5h et 6h. Cependant un Français sur quatre estime être efficace tout le long de la journée. La majorité des actifs interrogés tablent sur un taux d’efficacité entre 60% et 80% de la journée, soit entre 4,8h et 6,4h, sur la base d’une journée de 8h.

Émergence du dormeur sentinelle. 98% des personnes interrogées utilisent régulièrement ordinateurs, tablettes, smartphones, téléphones portables, pour leurs besoins personnels à leur domicile. Si 80% des étudiants et des actifs passent plus de 2 heures par jour sur leur ordinateur pour répondre à des besoins professionnels (62% plus de 4 heures par jour), environ 8 Français sur 10 utilisent leur ordinateur, tablette ou smartphone le soir après le dîner et presque 4 sur 10 les utilisent dans leur lit. « Autant de temps au lit et devant un écran a un impact défavorable sur la qualité du sommeil », rappelle Joëlle Adrien, neurobiologiste et présidente de l’INSV. « Quel que soit l’âge des aficionados technologiques et quel que soit l’objet connecté, les nouvelles technologies ont donné naissance à une société sur le qui-vive où tout le monde est sur le pont, de jour comme de nuit », ajoute Sylvie Royant-Parola, psychiatre et vice-présidente de l’INSV.
En effet, le signal lumineux d’éveil délivré à contretemps par les écrans perturbe l’horloge biologique au point qu’elle n’est plus capable d’assurer les conditions d’un endormissement rapide ni d’un sommeil récupérateur. « Des flashs lumineux de quelques millisecondes durant la nuit peuvent retarder l’horloge biologique dont le système est si sensible que la lumière agit même si on dort, les yeux fermés », souligne le Claude Gronfier, neurobiologiste et spécialiste des rythmes biologiques. L’évolution de ces comportements, marquée par une connexion permanente et une volonté de communiquer à tout prix, se manifeste jusque dans la vie privée. En conséquence, les Français adeptes de nouvelles technologies le soir passent plus de temps au lit avant d’éteindre leur lumière. Ils mettent aussi plus de temps à s’endormir et sont plus nombreux à souffrir d’au moins un trouble du sommeil et de troubles du rythme du sommeil.

Nécessaire prise de conscience. Si plus de 80% des Français pensent à se déconnecter les jours de repos ou de vacances, 18% ne le font jamais ! Par ailleurs, 20% des Français déclarent avoir au moins un smartphone en fonctionnement dans leur chambre pendant qu’ils dorment et 79% d’entre eux répondent aux sollicitations sur le champ ! « Les gens ne réalisent pas que le sommeil a besoin de protection pour s’installer et que la nuit doit être un moment totalement déconnecté, un temps de coupure totale de l’environnement », reprend le Dr Sylvie Royant-Parola. Par ailleurs, bien que les plaintes de Français en manque de sommeil affluent dans les consultations, le lien entre écrans des nouvelles technologies et troubles du sommeil n’est pas encore clairement identifié : encore 18% des Français estiment qu’une bonne utilisation se fait… plutôt le soir.
Pour le cabinet Occurrence, la sieste durant la journée de travail permet aux adeptes de réduire leur déficit de sommeil de 5 jours par an, soit 9h12min par mois. Cependant la sieste au travail est plus souvent l’affaire de ceux qui peuvent rentrer chez eux. Si cela reste un fait minoritaire, près d’un Français sur 10 a fait une sieste au bureau au cours des six derniers mois (bureau personnel ou collectif, salle de pause, toilettes). « Quel pourrait être l’impact sur la croissance du PIB d’une amélioration du sommeil des Français grâce à la sieste au travail ? », s’interroge Assaël Adary, président d’Occurrence. Quel en serait également l’impact sur la sécurité et la santé au travail ?

Erick Haehnsen

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