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Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Les exosquelettes innovants en voie de démocratisation

Les fabricants d’exosquelettes lancent de nouvelles offres sur le marché français avec des produits qui visent à prévenir la pénibilité des tâches, soulager les utilisateurs tout en leur procurant plus de confort. Passives ou actives, ces solutions suscitent l’intérêt de filières professionnelles qui n’hésitent pas à s’impliquer dans la conception de systèmes ou à mener des tests.

Mal de dos, douleurs au bras ou au poignet… autant d’exemples de troubles musculosquelettiques (TMS) éprouvés par la majorité des professionnels travaillant dans les secteurs de la construction, l’industrie, la logistique, l’agroalimentaire, etc. Ces pathologies constituent la première cause d’indemnisation pour maladie professionnelle en France selon la Caisse nationale d’assurance maladie en précisant que 30% des arrêts de travail sont causés par les TMS.

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L’exosquelette Japet.W est pourvu de deux micromoteurs pour soulager le dos. © Japet Medical

Nouvelle norme sur les exosquelettes

On comprend pourquoi de plus en plus d’entreprises s’intéressent aux exosquelettes afin de limiter la pénibilité des postes, soulager leurs salariés et accompagner le vieillissement des plus âgés. Certaines filières professionnelles, comme celle du BTP ou de l’agriculture, ont démarré des tests. Ce qui va sans doute contribuer à la démocratisation de ces dispositifs. Lesquels sont conçus pour aider à maintenir une position prolongée, porter ou manipuler des charges. Et ce, en apportant aux professionnels une assistance physique qui répartit les efforts sur d’autres parties du corps. Cette aide peut être délivrée soit de façon mécanique à l’aide de vérins, élastiques, ressorts, etc. Soit de manière électrique grâce à de petits moteurs. Dans le premier cas, on parle de dispositifs d’assistance physique (DAP) et, dans l’autre cas, de robots d’assistance physique (RAP), selon la terminologie de la nouvelle norme X35-800 relative aux exosquelettes professionnels qui devrait être publiée en août prochain. 

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Le système d’assistance se désenclenche lorsque l’utilisateur se met à marcher. © HMT

Détection automatique de la marche.

« Cette norme va aider à cadrer les projets d’exosquelettes de manière à en favoriser l’acceptation par les utilisateurs », résume Kévin Régi, PDG de Human Mechanical Technologies (HMT), une PME d’une dizaine de collaborateurs qui a participé à sa rédaction avec d’autres professionnels du secteur. Basée à Tarbes (Hautes-Pyrénées), l’entreprise mène une double activité. En plus de délivrer des prestations d’ergonomie, elle conçoit et fabrique des exosquelettes que ses propres ergonomes se chargent d’intégrer chez ses clients. « Nous sommes centrés sur l’utilisateur que nous assistons dans ses mouvements », fait valoir le dirigeant. Ce dernier compte dans ses clients Gasco, un industriel d’aliments pour animaux et le groupe La Poste. Ces deux entreprises ont contribué à la conception de son nouvel exosquelette qui a réclamé deux ans de travail. Baptisé Wave, il répond à la problématique des salariés qui, en portant une charge en avant, ont tendance à baisser leur dos. L’exosquelette pallie à cette mauvaise posture en transférant le poids de la charge du dos vers les quadriceps. Pesant 1,9 kilos, ce dispositif apporte une assistance quand l’opérateur a le tronc fléchi en avant et lorsqu’il se redresse. Vendu au prix de 3 000 euros, Wave innove en détectant le mouvement de la marche. Dans ce cas, il se désenclenche mécaniquement ce qui facilite la vie du porteur. En revanche, lorsque ce dernier s’assoit, il doit désactiver son exosquelette en poussant simplement les deux clips.

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Le harnais intègre de petits coussins qui absorbent et répartissent la charge sur les os du bassin, les omoplates et les lombaires. © Exhauss

Charge allégée de 20 kilos

En matière de nouveauté, citons aussi HPXO, le dernier exosquelette passif d’Exhauss. Commercialisé depuis février dernier, ce dispositif passif intéresse les opérateurs qui ont à soulever des charges lourdes bras tendus et à les déposer devant eux. A l’instar des personnes travaillant en logistique, dans la construction ou comme paysagistes. « Neuf demandes sur dix concernent le travail devant soi, plutôt qu’au sol ou au plafond », souligne Pierre Davezac, le fondateur d’Exhauss en charge de la R&D. Ce dispositif est pourvu d’un harnais réglable en tôle aluminium déformable (AG3) et pourvu de bras à tendeurs latex interfacés aux mains. Lesquels ont pour effet d’alléger de 20 kilos le poids de la charge et d’accompagner le mouvement d’extension du bras. « Nous intégrons au harnais une sorte de colonne vertébrale prolongée de petits coussins ovales reliés entre eux et qui ont pour mission d’absorber et de répartir précisément la charge sur les os du bassin, les omoplates et les lombaires », précise Pierre Davezac qui propose cette solution modulaire pour un coût allant de 3 900 à 5 900 euros, selon le nombre de bras et d’accessoires.

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Ce dispositif d’assistance réduit la charge musculaire de l’épaule jusqu’à 65 %. © Auxivo

Quinze secondes pour enfiler l’exosquelette

Particulièrement dynamique, le marché mobilise bien d’autres fabricants comme les français Ergosanté, Exhauss, HMT ou encore Japet Medical, le franco-italien Comau (filiale du groupe Stellantis), l’allemand German Bionic et le suisse Auxivo, Spin-Off de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurick (EPFZ). Cette année, ce dernier étoffe son offre avec le Deltasuit, un exosquelette de 2 kilos dédié au soutien de l’épaule. Ce dispositif d’assistance passif réduit la charge musculaire de l’épaule jusqu’à 65 % et la fatigue musculaire jusqu’à 75 %. Points forts, l’assistance délivrée se fait progressivement sans pousser les bras vers le haut. En outre, en fournissant un appui de 6,6 newtons mètre, elle donne la sensation à l’opérateur de travailler les bras sur la table. Grâce à l’architecture du dispositif, la charge se conserve au niveau des biceps, sans se reporter sur d’autres parties du corps. « Notre dispositif s’adresse notamment aux professionnels de la construction, de l’industrie ou de l’agriculture qui travaillent les bras au niveau des épaules ou au-dessus, tout au long de la journée », souligne Oscar Fernandez, responsable commercial pour la France et Espagne chez Auxivo. Depuis sa création en 2019, l’entreprise a vendu plusieurs milliers d’exosquelettes d’assistance dont la moitié en France. Disponible pour un peu moins de 2 300 euros, il  embarque des matériaux avancés comme des textiles de haute technologie pour assurer la flexibilité de l’exosquelette, des éléments renforcés en polymères haute performance et des alliages en aluminium. Quinze secondes suffisent pour l’enfiler, comme un sac à dos, le temps d’attacher les sangles au niveau des bras, du thorax et du diaphragme. 

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L’Exoscarne a été conçu pour la découpe de viande. © Adiv

Filières professionnelles impliquée

Gageons que ces dispositifs d’assistance physique (DAP) susciteront l’intérêt des filières professionnelles. A commencer par la filière de la viande qui se mobilise d’ailleurs sur un exosquelette dédié à cette activité. Un projet mené par l’Adiv, un institut technique de l’agro-industrie spécialisé dans les filières viandes. L’Exoscarne, du nom de cet exosquelette, vise à accompagner et assister les mouvements de poignets de l’opérateur lors de la découpe des morceaux carnés. Et ce, grâce à des muscles pneumatiques pilotés au niveau de la main par des capteurs de pression. Lauréat du concours d’innovation agricole Itainnov dans la catégorie performance économique et sociale, ce projet a bénéficié de plusieurs financements dont celui du Programme d’investissements d’avenir (PIA) à hauteur de 200 000 euros.

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Exo-S s’adapte à toutes les morphologies grâce à des réglages prédéfinis. © Hilti

De son côté, l’Organisme professionnel prévention bâtiment travaux publics (OPPBTP) présente sur son site Prévention BTP une cinquantaine de solutions intéressant le secteur du BTP. Dont trois RAP destinés à limiter les efforts de la région lombaire. A savoir le modèle CrayX de German Bionic, le modèle Exoback de RB3D et le Japet W du fabricant éponyme. Du côté des DAP testés par l’OPPBTP, citons notamment l’Exo-S de Hilti. Ce fabricant de produits technologiques pour le BTP a conclu en 2020 un partenariat technologique avec Ottobock (spécialiste allemand des dispositifs médicaux) en vue de développer des exosquelettes. Leur dernier né, l’Exo-S s’adresse aux professionnels travaillant avec les bras au-dessus des épaules. Il est conçu pour réduire les douleurs au niveau du cou et des épaules en transférant la charge du haut du corps vers les hanches. Et ce, grâce à une traction mécanique effectuée par des câbles. Cet exosquelette est indiqué pour les tâches répétitives et pénibles telles que la fixation de rails pour cloisons sèches, le meulage et le ponçage des plafonds. Pesant 2,4 kilos, il s’adapte à toutes les morphologies grâce à des réglages préfinis et facilement lisibles allant de la taille XS à la taille XXL.

Autre filière engagée dans les exosquelettes, celle de la viticulture. Les professionnels testent plusieurs modèles dont l’exosquelette Exoviti du français RB3D. Ce DAP est équipé de deux ressorts qui assistent les muscles dorsaux lorsque les professionnels se penchent en avant pour tailler, désherber ou vendanger. Idem pour l’exosquelette Hapo d’Ergosanté, un autre fabricant français d’exosquelette basé à Anduze dans le Gard et qui compte plus de 200 collaborateurs.

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Ergosanté propose un nouvel exosquelette cette année. Ergosanté exosquelette fait partie des nouveautés d’Ergosanté.

L’entreprise se distingue cette année avec un nouvel exosquelette deux en un. Conçu pour le soutien des membres supérieurs, le « Hapo Up-Front » fournit deux types d’assistance. Le premier adresse les activités demandant de travailler les bras au-dessus de la tête. Et le second concerne les tâches qui réclament de travailler bras en avant. Deux minutes suffisent pour passer d’une configuration à une autre. Autre point fort, cet exosquelette fait appel à des matériaux avancés comme des tubes de carbone et des lames à ressort isoélastique afin de fournir la même assistance sur toute la course du mouvement, indique le fabricant. Selon ce dernier, l’exosquelette réduit l’activité musculaire de l’épaule jusqu’à 40 % dans affecter l’équilibre postural ou causer d’inconfort aux utilisateurs. Dans la foulée, Ergosanté lance un capteur qui permet d’évaluer l’intensité et la fréquence des mouvements de flexion de l’utilisateur. Cet outil, utilisable à l’aide d’un smartphone mesure le poids soulagé en termes de poids et de pourcentage.

Exosquelettes connectés

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Grâce aux capteurs connectés sur ce DAP, l’employeur peut mesurer la pénibilité d’un poste. © Comau

Sur le marché des exosquelettes, les produits connectés constituent une tendance forte. Une voie qu’emprunte d’ailleurs Comau, la filiale du groupe Stellantis avec le Mate-XT 4.0 qui est associé à une application IoT (objets connectés). Pourvu de capteurs, il aide à analyser l’activité et l’ergonomie d’un poste en prenant en compte certains paramètres comme le nombre de mouvements et à quelle vitesse ils ont été réalisés. Il peut aussi prendre en compte l’angle des bras. De quoi mesurer la pénibilité d’un poste. Ce nouvel exosquelette a été conçu sur la base du Mate-XT, un modèle compact pesant 2,9 kilos et dédié à l’assistance des membres supérieurs. « Il a pour points forts d’alléger les efforts musculaires de 30 % et de bien suivre la gestuelle des opérateurs travaillant les bras en hauteur », indique Patrice Roudet, en charge du développement du marché des exosquelettes et de la robotique en France chez Comau

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L’exosquelette actif Apogee est équipé de capteurs connectés. © German Bionic

Assistance lombaire jusqu’à 30 kilos

Bien sûr, les fabricants de robots d‘assistance connectés ne sont pas en reste. A l’exemple du nouvel exosquelette actif et connecté, le Rap Apogee de German Bionic. Comme son prédécesseur Cray X, il délivre un double support. A savoir une assistance jusqu’à 30 kilos au niveau lombaire durant la marche mais aussi lors du levage. Multi tâches, Apogee adresse les tâches de levage, de déchargement et de maintien statique et de marche. Par ailleurs, pour un ajustement personnalisé, il est proposé avec des tailles de gilet allant de XS à XL. Cerise sur le gâteau, lorsque le système détecte une contrainte importante, il prévient l’opérateur. Par ailleurs, il envoie des données dans le Cloud pour qu’elles soient analysées par l’employeur.

Moteurs plus réactifs

Idem pour Japet.W+, le nouvel exosquelette actif du fabricant lillois éponyme. Ce dispositif médical de classe A (ISO 13485) dispose d’une ceinture lombaire équipée de deux petits moteurs de chaque côté. Ces derniers accompagnent les mouvements de l’opérateur en étirant son dos vers le haut tout en allégeant les lombaires. Résultat, il aide à soulager les douleurs lombalgiques en limitant l’impact du port de charges et des mouvements répétitifs sur la colonne vertébrale. Par rapport à la précédente version, Japet.W+ dispose de moteurs deux fois plus réactifs. Disponible en quatre tailles (S-M-L- et XL) il est également nettoyable grâce à un système de seconde peau détachable, indique le fabricant qui a déjà vendu 800 exosquelettes actifs depuis 2019 notamment auprès d’entreprises de la logistiques ou du BTP.

Eliane Kan

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