Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Les chaussures de sécurité jouent la carte du confort et de l'IoT

2018 s'annonce comme l'année du grand décollage des semelles et chaussures de sécurité connectées. Ces EPI aideront les opérateurs à éviter les chutes, mesurer la pénibilité d'un poste ou tout simplement commander à distance un équipement. En dehors de ces avancées high tech, la technologie Infinergy lancée conjointement par BASF et Adidas trouve désormais preneur chez les fabricants d'EPI afin de diminuer la fatigue et mieux restituer l'énergie cinétique des opérateurs lors de leurs déplacements.

Avec une moyenne de 33,8 accidents du travail pour 1.000 salariés en 2016, la sinistralité se stabilise à un niveau historiquement bas, selon la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts). Certains secteurs ont fait de gros efforts. À commencer par le BTP qui connaît depuis 10 ans une baisse de 29%. Toutefois, ce secteur a des progrès à accomplir, notamment dans la prévention des chutes de hauteur et de plain pied. Idem pour le transport routier de marchandises (TRM) où les conducteurs connaissent un taux élevé de chute lorsqu’ils descendent de leur camion ou qu’ils circulent à proximité de leurs véhicules du fait de la présence d’un objet au sol ou d’une surface glissante. Globalement les chutes de plain pied représentent 13% des risques en 2015. Mais certaines peuvent être mortelles. En 2015, les glissades ou trébuchements ont causé la mort de 54 salariés dont 26 dans le BTP et 7 dans les services administratifs et financiers. Idem dans le secteur des services à la personne où on a pu déplorer plus de 24.000 glissades et trébuchements et plus de 2 millions de journées perdues.

Des chaussures connectées chez Parade en 2018
Face à cette problématique, les fabricants de chaussures de sécurité rivalisent d’ingéniosité et d’imagination pour apporter à leurs utilisateurs plus de sécurité. A titre d’exemple, certains EPI savent prévenir les secours en cas de chute du salarié ou alerter ce dernier quand il entre dans une zone non autorisée. Des fonctionnalités que propose Parade, un des principaux fabricants français de vêtements et de chaussures de sécurité. Cette filiale du groupe Eram commercialisera début 2018 sous la marque Izome deux modèles de chaussures connectées couplés à une application téléchargée sur smartphone. Le premier intègre un dispositif d’alerte de chute embarqué dans la chaussure. Pesant une dizaine de grammes, ce système est conçu pour détecter une perte de verticalité suivie d’une position immobile. En cas de chute, un message d’alerte indiquant la position du porteur est transmis. Une fois ce SOS reçu et traité, une vibration est envoyée dans la chaussure du porteur afin de l’assurer de sa prise en charge.
Le second EPI connecté de Parade comporte une fonction de Geofencing. C’est à dire que le dispositif embarqué dans la chaussure prévient l’opérateur quand il s’approche d’une zone dangereuse ou interdite. Le système fonctionne aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment avec des précisions respectives de 1 mètre et de 10 mètres. Dans le premier cas, la zone est équipée de balises Beacon qui vont détecter le capteur et signaler l’interdiction d’entrée par vibration. Dans le second cas, en site ouvert, la zone est préalablement enregistrée dans le Cloud. « Le salarié est alors géolocalisé en permanence sur une carte », indique Franck Chérel, le directeur général de Parade.

La technologie Zhor-Tech adoptée par cinq marques d’EPI

Parade n’est pas le seul spécialiste de la chaussure à proposer des modèles connectés. C’est aussi le cas du groupe Epsilon créé par Karim Oumnia. Ce dernier a été le premier en France à commercialiser, dès 2014, des semelles chauffantes. Vendues sous la marque Digitsole, celles-ci sont connectées à une application avec laquelle l’utilisateur choisit sa température de chauffe. Cette année, ce dernier est allé un cran plus loin en nouant des partenariats avec de grands donneurs d’ordre du BTP et de l’industrie. De cette collaboration est né un système embarqué dans une semelle qui mesure la pénibilité du poste de travail et détecte les mauvaises postures génératrices de fatigue et de risques de chutes. Connu sous le nom de Zhor-Tec, le dispositif électronique compte aussi le nombre de pas effectués, de glissades, etc. « Notre système ne pèse que 7 grammes, batteries inclues », indique Malik Issolah, directeur marketing chez Digitsole, une des filiales d’Epsilon. Les premières semelles et chaussures connectées embarquant la technologie Zhor-Tec devraient apparaître sur le marché en septembre 2018. « Notre stratégie consiste à concevoir et développer des produits avec des fabricants qui achètent notre technologie sous forme de licence », explique Malik Issolah qui a déjà signé avec cinq marques dont deux allemandes. Les premiers exemplaires seront présentés sur A+A 2017.

5 marques ont signé un partenariat pour acquérir
une licence Zhor-Tech. © Digitsole
5 marques ont signé un partenariat pour acquérir
une licence Zhor-Tech. © Digitsole

Apporter à l’utilisateur assistance digitale tout le long de la journée

Ce salon consacré à la sécurité et la santé au travail se tiendra du 17 au 20 octobre à Dusseldorf (Allemagne). 55 pays seront représentés par les quelques 1.900 exposants dont une vingtaine de spécialistes français de la chaussure de sécurité. Parmi lesquels Lemaître Sécurité devrait présenter l’état d’avancement de ses recherches en matière de chaussures connectées, développées en partenariat avec Wercup, une startup qui conçoit notamment des semelles connectées dédiés à l’amélioration des conditions de travail sous la marque Rcup. Le fruit de cette collaboration se traduit par des chaussures dédiées à l’indoor embarquant des fonctions « Tracking » et « command by motion ». Le but étant d’apporter au porteur assistance digitale tout le long de la journée. Par exemple, le salarié peut déclencher à distance une commande d’automate afin d’économiser le nombre des pas effectués dans cette journée et garder les mains libres.

Lemaître Sécurité devrait présenter ses chaussures connectées,
développées avec Wercup qui conçoit des semelles connectées
sous la marque Rcup. © Wercup
Lemaître Sécurité devrait présenter ses chaussures connectées,
développées avec Wercup qui conçoit des semelles connectées
sous la marque Rcup. © Wercup

Protéger contre le risque de perforation

Le salon A+A sera surtout l’occasion pour l’entreprise basée à La Walck (Bas-Rhin) de présenter sa nouvelle collection SP-Light. Les produits destinés au métiers « indoor » pèsent, selon le fabricant, 30% de moins que les modèles équivalents dans une autre gamme. Le fabricant vise aussi la protection contre les risques de perforation avec le Tiger BTP, un EPI montant en cuir hydrofuge protège les pieds contre les risques de perforation grâce à son double insert acier et textile. Équipé d’une semelle hyper cramponnée, il convient à tous les métiers de la construction mais aussi à des usages spécifiques. Tels que le traitement des déchets, le déblaiement ou encore les interventions sur des sites accidentés. D’autres fabricants se positionnent aussi sur ce terrain. A l’instar de Gaston Mille. L’entreprise basée à Courthézon (Vaucluse) qui présentera pour sa part une paire de bottes de sécurité en cuir pleine fleur hydrofuge et oléofuge et fourrure acrylique intérieure. Pesant près de 1,5 kg, la Kama S3 CI se démarque avec ses semelles très crantées qui assurent aux opérateurs une grande stabilité sur sols accidentés.

La nouvelle collection SP-Light.
© Lemaître
La nouvelle collection SP-Light.
© Lemaître

Des technologies venues du sport

De son côté, Jallatte, basée à Saint-Hippolyte-du-Fort (Var) lance une collection J-Energy avec plusieurs modèles embarquant dans leur semelle intermédiaire la technologie Infinergy, du nom donné au polyuréthane thermoplastique expansé (E-TPU). Un matériau initialement conçu par BASF pour les chaussures de runing d’Adidas. Aussi élastique que le caoutchouc mais en bien plus léger, Cette technologie absorbe les chocs sous la voûte plantaire et restitue plus de 50% de l’énergie lors des déplacements ou des piétinements. De quoi améliorer la circulation sanguine, défatiguer les pied et les jambes et limiter les TMS. Jalatte n’a pas l’exclusivité de cette solution. D’autres fabricants proposent de tels modèles. A commencer par U-Power qui propose la gamme RedLion avec notamment le modèle Moving. Destiné aux activités de second œuvre, industrie légère, maintenance, logistique, manutention et transports, cette basket montante en cuir velours perforé est équipée d’un embout de protection 200 joules en aluminium et d’une semelle de contact antidérapante avec un coefficient d’adhérence de 0,82. Ce qui limite les risques de glissade accidentelle.

Eliane Kan

Modèle Jaldynam
de la collection J-Energy.
© Jallatte
Modèle Jaldynam
de la collection J-Energy.
© Jallatte

« Attention aux chutes »

Interview d’Eric Toullec, chirurgien orthopédique du pied et de la cheville à la polyclinique de Bordeaux Tondu. Cette institution centenaire a longtemps été une référence internationale pour la formation en chirurgie du pied. 

A quelles blessures liées aux accidents du travail êtes-vous principalement confrontés ? 

Il s’agit notamment d’entorses de la cheville. L’accident peut résulter d’une torsion mécanique lors d’un déplacement sur une planche ou dans un trou, lors de la descente d’un escalier, une glissade sur sol mouillé ou sur un liquide gras. Il peut résulter aussi d’un pied coincé entre un transpalette et une palette. On opère aussi des fractures du pied consécutives à une chute d’un toit. Ce type d’accident peut aussi provoquer une fracture du calcanéum (talon) en premier lieu ou une fracture de la cheville avec parfois des fractures vertébrales associées. Les chutes d’échelle ou d’escabeau sont en général moins graves. Parmi les autres accidents du travail, on déplore des écrasements de pied avec des charges lourdes pouvant atteindre la tonne. Cela entraîne alors des décollements de la peau dorsale du pied, des fractures multiples et parfois des ruptures de tendons.

Que faire en cas d’accident ?

S’il y a une plaie, il faut faire un pansement avec des compresses imbibées d’antiseptique et une bande. Si le pied saigne beaucoup, pensez à le surélever et à lui mettre une bande bien compressive. S’il n’y a pas de plaie, je recommande de placer de la glace derrière le genou ou sur la face intérieure de la cheville. Il ne faut surtout pas forcer pour enlever la chaussure car on pourrait provoquer le déplacement d’une fracture. Il est proscrit de faire marcher la personne blessée. Mieux vaut l’allonger avec une couverture car le stress et la douleur font frissonner. Il faut bien sûr appeler le SAMU et, dans les déserts médicaux, contacter le médecin du coin. En attendant les secours, ne faites pas boire le blessé, ne lui donnez pas à manger mais, à la rigueur, humectez-lui les lèvres.

Dans le cadre de votre projet médical 2017-2022, vous avez prévu d’organiser une formation dédiée à l’amélioration de la prise en charge des traumatismes du travail. De quoi s’agit-il et à qui est-elle destinée ?

Cette formation est dédiée à la récupération rapide du patient après un traumatisme. L’enjeu étant de diminuer la durée des arrêts de travail pour les pathologies complexes. Durant cette formation qui est destinée aux posturologues, chirurgiens, podo-orthésiste et urgentistes, nous dresserons un bilan des risques de pathologies du pied au travail et nous ferons un point sur leur prévention. 

Propos recueillis par Eliane Kan

Eric Toullec, chirurgien orthopédique du pied
et de la cheville à la polyclinique de Bordeaux
Tondu. © D.R.
Eric Toullec, chirurgien orthopédique du pied
et de la cheville à la polyclinique de Bordeaux
Tondu. © D.R.

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