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Santé et qualité de vie au travail

Le travail répétitif : facteur de pénibilité

Remis le 28 septembre aux ministères du Travail et de la Santé, le rapport sur ''La définition du travail répétitif comme facteur de pénibilité'', établi par Hervé Lanouzière, directeur général de L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) réaffirme la nécessité de sécuriser l’appréciation par les employeurs de l’exposition à la pénibilité. Décryptage.

Dans le cadre de la mise en place du compte pénibilité, le président de la République a confié une mission à Christophe Sirugue (député SRC Saône-et-Loire), secrétaire de la Commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, Gérard Huot, l’ancien DG de la fonderie Igny Pression Métal et président de la CCI Essonne, et Michel de Virville, chargé de la mission interministérielle de facilitation et de concertation permanente sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Objectif : rendre le dispositif plus simple d’application.
Un des enjeux était de clarifier la définition de certains facteurs de pénibilité et de définir les seuils d’exposition. Le rapport Sirugue/Huot/De Virville a préconisé une étude approfondie du facteur « travail répétitif » pour en apporter une définition simple, claire et faisant l’unanimité des partenaires sociaux. Cette mission a été confiée en juillet 2015 à Hervé Lanouzière, directeur général de L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), conjointement par François Rebsamen, à l’époque au ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social (MTEFPDS) – remplacé depuis septembre par Myriam El Khomri -, et Marisol Touraine au ministère des Affaires sociales, de la santé et des Droits des femmes (MASSDF).
En effet, en vigueur depuis le 1er janvier 2015, la définition du travail répétitif pose des problèmes d’interprétation et donc de mise en œuvre. « Elle est jugée trop imprécise par les entreprises », estime le rapport du DG de l’Anact intitulé La définition du travail répétitif comme facteur de pénibilité, remis ce 28 septembre à Myriam El Khomri. De fait, Le rapport tente de proposer une  »définition opérante » de ce facteur de pénibilité, adaptée à la réalité du travail dans les entreprises et qui permette de dire de façon simple quels sont les salariés qui y sont exposés. Et de ne laisser subsister aucun doute sur son application. Au final en voici la définition retenue : « Le travail répétitif est caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte ».
Mais les choses n’avaient pas été simples. Effectivement, la loi avait classé les facteurs de pénibilité en trois catégories, selon qu’ils relèvent de contraintes physiques, de l’environnement de travail ou de rythmes de travail. 10 facteurs de risques ont été fixés par voie réglementaire. Chaque facteur est associé à un seuil d’exposition déclenchant la reconnaissance d’une situation de pénibilité. Pour un mesurage simple, chaque seuil se réfère à un indicateur spécifique et unique caractérisant l’exposition. Il s’agit du décibel (dB) pour le bruit, de la masse soulevée (Kg) pour la manutention manuelle, du mètre par seconde au carré (m/s2) pour les vibrations, du degré Celsius (C°) pour les températures extrêmes, etc. Or, dans une logique exclusive de prévention, l’évaluation approfondie des risques passe en réalité par une analyse plus fine de l’ensemble des facteurs qui concourent à l’exposition réelle des travailleurs.
Ainsi la présence de certains produits chimiques aggrave-t-elle l’exposition au bruit, la distance à parcourir avec une charge aggrave les risques liés à la manutention manuelle, etc. Mais une logique de seuils d’exposition, dont la finalité est l’ouverture de droits pour l’abondement d’un compte personnel, autorise à s’affranchir de cette finesse au profit d’une simplification de la méthodologie de repérage des personnes visées par le texte. Il en va ainsi aussi pour les risques liés au travail répétitif. Leur évaluation rigoureuse nécessite de prendre en compte, notamment, les postures et angles articulaires à adopter, la force à exercer et la rapidité d’exécution des tâches. Mais le travail répétitif ayant été retenu comme facteur de pénibilité au titre des rythmes de travail et non des contraintes physiques, l’indicateur de référence de la répétitivité doit être la cadence du travail, mesurée par la fréquence des actions à réaliser dans une unité de temps donnée. Or cette cadence devient pourtant une nuisance lorsqu’elle ne permet pas au salarié de réguler son activité ainsi qu’une récupération suffisante de la fatigue par les structures sollicitées. C’est pourquoi il est proposé de s’appuyer sur un nombre d’actions par minute pour apprécier l’intensité du rythme.
Par ailleurs, la définition du travail répétitif est tributaire, de contingences légales, d’exigences de fond et de considérations pratiques. Côté légal, on se réfère à l’article L. 4161-1 du code du travail qui indique que cette modalité de travail doit être susceptible de laisser des traces identifiables, irréversibles et durables sur la santé. Ensuite, un seuil doit être fixé, ce qui impose une approche quantitative. Puis, l’appréciation des seuils de pénibilité doit être faite après la prise en compte des mesures de prévention collectives et individuelles existantes.
Côté,  »exigences de fond », le seuil doit être révélateur de l’intensité du rythme de travail, caractérisée par la vitesse, elle-même dépendant de la cadence et donc de la fréquence des mouvements. Ensuite l’existence d’une contrainte temporelle forte, qui caractérise l’impossibilité pour le salarié de réguler par lui-même l’activité, est déterminante. Quant à l’accumulation du travail répétitif, elle doit caractériser l’usure identifiable lors de la retraite. Elle doit aussi se référer à la journée, la semaine ou l’année.
Enfin, au niveau des considérations pratiques, on note la nécessaire abstraction du caractère multifactoriel des facteurs biomécaniques et des pathologies ou troubles associés au travail répétitif car il est impossible de restituer la complexité des effets conjugués des cofacteurs dans un seuil normatif. A côté de cela, l’intelligibilité de la définition, en particulier le caractère usuel de la terminologie utilisée, doit rendre l’évaluation du travail répétitif  »autoportable » pour un employeur de PME dépourvu d’équipe spécialisée dans le champ de la santé au travail et pour les salariés concernés. Puis, la faisabilité et la praticité de la méthode de repérage et d’estimation de la répétitivité appellent un mode de repérage visuel aisé. Le seuil doit alors pouvoir être identifié sans cotation ergonomique, sans comptage sophistiqué.

Erick Haehnsen

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