Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

La vidéosurveillance mobile veut se tailler la part du lion dans un environnement légal peu favorable

En 2013, pas moins de 11 caméras nomades ont fait l'objet de dossiers de subvention, contre 53 en 2014, selon Olivier Guillou, chargé de mission pour le développement de la vidéoprotection au ministère de l’Intérieur. Cette tendance de fond s’illustre, sur le terrain, par un foisonnement de technologies... limitées par la loi.

Le cadre n’est pas vraiment clair: la question de savoir si les caméras de vidéoprotection relèvent du code de la sécurité intérieure, d’une autorisation de la Cnil ou d’une autorisation préfectorale est, par exemple, encore en suspens… Mais cela n’empêche nullement les dispositifs de vidéosurveillance mobile d’essaimer. Avec des subtilités sémantiques. Il faut, par exemple, distinguer les systèmes nomades (que l’on change d’endroit régulièrement), des systèmes mobiles (qui se déplacent en permanence). Les premiers systèmes ressemblent à des caméras-dômes classiques, quoique moins invasifs en matière d’aménagement urbain. En témoigne la borne vidéo du constructeur français Teb qui se greffe en moins d’une heure sur les lampadaires urbains puis utilise leur alimentation afin de se recharger la nuit.

Les seconds systèmes se retrouvent dans les mains des forces de l’ordre ou dans leurs véhicules, à l’instar des camions de CRS équipés du système autonome de retransmission d’images Sarise, dédié à la sécurisation d’événements du ministère de l’Intérieur. Principe : un véhicule maître fait office de régie tandis que des capteurs full HD capables d’enregistrer des images sur 360° sont installés sur les autres cars de la compagnie républicaine. Plus expérimentale, une stratégie innovante consiste à installer des caméras directement sur des drones. L’avantage : un champ de vision inégalable. Mais, de l’avis de Stéphane Morelli, ex officier de l’Armée de Terre et co-dirigeant de l’entreprise VisioDrones spécialisée de la capture d’images aériennes, cette solution – comme toutes les autres d’ailleurs – comporte des limites.

Limites légales. Concernant le drone, la première limite est technique : il s’agit d’une part de son autonomie réduite et, d’autre part, de son champ de vision trop étroit à haute altitude. Sur les théâtres d’opérations militaires afghans, les forces américaines évoquaient à ce sujet un effet « paille de soda » qui se traduit par un angle de vue très resserré (un carré d’une dizaine de mètres de côté), à quelques centaines de mètres d’altitude. Mais le drone souffre surtout de la limite légale. Alors que seulement 5% des quelques 1.300 sociétés françaises de drones se focalisent sur le marché de la sécurité, la réglementation elle-même tend à les handicaper. Par exemple en exigeant des dérogations pour chaque vol de nuit, en obligeant l’homologation de chaque appareil auprès de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) ou encore en accablant l’opérateur d’une lourde responsabilité.

À ces restrictions spécifiques s’ajoutent des impératifs plus généraux. Lesquels sont notamment liés aux questions de droit à l’image, auxquels sont sujets tous les autres dispositifs. Derrière ce sujet, une bureaucratie très lourde : pour tout système vidéo captant au moins en partie la voie publique, un formulaire (Cerfa n°13806*03) doit être rempli et plusieurs documents (modèle de la caméra, engagement de conformité, plan détaillant l’implantation de chaque appareil, rapport d’installation…) doivent être fournis au moment de faire la demande d’autorisation en préfecture. Cet encadrement très strict s’est vu notablement renforcé par l’arrêté technique du 3 août 2007 portant définition des normes techniques des systèmes de vidéosurveillance. Une réglementation que l’AN2V, qui prépare actuellement un livre blanc sur le sujet, souhaiterait voir évoluer. Sans grande chance de succès toutefois, tant l’Etat se montre frileux dans ce domaine.

Guillaume Pierre

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