Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

La santé des auto-entrepreneurs appelée à être mieux prise en compte

Il existe en France 1,36 million d’auto-entrepreneurs dont 180.000 salariés travaillent pour des plateformes collaboratives. Lesquelles sont ciblées par l’article 20 du projet de loi mobilité qui institue une charte de responsabilité sociétale.

Le nombre d’auto-entrepreneurs ne cesse de croître. Selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), la France recensait fin 2018 1,36 million de micro-entrepreneurs contre 1,18 million fin 2017. Tous les secteurs sont concernés. Outre le transport et les activités immobilières, citons le conseil aux entreprises, la santé, le nettoyage, ou encore la formation. En revanche seules 61,4 % de ces indépendants ont déclaré fin 2017 un chiffre d’affaires trimestriel positif. Soit 3 644 euros pour la moyenne au 4ème trimestre 2017 contre 3 401 euros pour celui de 2009, année où a été lancé le régime d’auto-entrepreneur. Les revenus les plus élevés étant ceux des activités juridiques (6 616 euros), l’immobilier (5957 euros) et le BTP (5567 euros). Ce dernier fait partie des 5 secteurs qui attirent le plus de monde avec les travaux de finition, l’industrie, la santé et les arts spectacles et autres activités récréatives.

Portrait de Grégoire Leclercq

Gégoire Leclercq est président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs. © DR

Selon Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), 180.000 auto-entrepreneurs travaillent pour des plateformes collaboratives. Les plus connues étant Deliveroo, Stuart, ou encore Uber, des acteurs de la mobilité. Ce secteur en fait travailler 60.000 personnes. Il recouvre des conducteurs de VTC, déménageurs, livreurs à vélo et chargeurs de trottinettes. Autant de professionnels qui encourent des risques élevés d’accident. En effet, le système fonctionne sur le principe « premier inscrit premier servi ». Ce qui amène les coursiers à travailler jusqu’à épuisement ou à l’accident. C’est notamment le cas de ceux qui perdent leur vigilance lorsqu’ils traversent les carrefours ou grillent des feux rouges afin de livrer le plat chaud aux consommateurs.

Des indemnités versées en cas d’accident du travail

En cas d’accident, peu d’entre eux savent qu’ils peuvent bénéficier d’indemnités journalières versées par la Sécurité Sociale. Indemnités journalières qui peuvent être revues à la hausse si la plateforme collaborative pour laquelle ils travaillent a pris en charge une cotisation « accident du travail ». C’est du moins ce que prévoit le décret du 4 mai 2017, en application de la loi travail du 8 août 2016. Avec ce texte, « le législateur a eu la volonté de mettre en place une réelle responsabilité sociale des plateformes collaboratives développée autour du droit syndical, de la formation et de la protection en matière d’accidents du travail », rapporte l’avocat Gautier Kertudo sur son blog. La loi travail oblige les plateformes soit à souscrire à un contrat collectif d’assurance couvrant les accidents de travail, soit à rembourser la cotisation payée par les travailleurs qui choisissent une assurance individuelle privée ou par affiliation volontaire à la sécurité sociale. La loi fait référence à un plafond dans la limite duquel la plateforme collaborative doit prendre en charge les cotisations du travailleur indépendant. Il faut que ce dernier ait réalisé l’année précédente un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 13 % du plafond annuel de la sécurité sociale soit 5.164 euros en 2018.

75% d’autoentrepreneurs dépourvus de mutuelle

« Les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale sont peu élevées. Elles vont de 5 euros à 50 euros en moyenne par jour, selon le chiffre d’affaires réalisé », soulève le président de la FNAE qui recense 80.000 membres. Quid de la maladie professionnelle ? Elle n’est pas reconnue comme telle. Seuls le décès,  l’invalidité totale, partielle ou permanente sont pris en compte. « Par ailleurs, hormis certaines professions comme celles des infirmières, la prévention des TMS par l’aménagement de l’espace de travail ne bénéficie pas d’aide au financement à l’inverse de TPE et PME via les Carsat », souligne Grégoire Leclercq qui recommande à ses adhérents de souscrire à une mutuelle. Ce qui leur permettra de recevoir des conseils pour rester en bonne santé. Le besoin est d’autant plus important que les travailleurs indépendants ne se ménagent pas. Par ailleurs, on estime que 75 % d’entre eux sont dépourvus de mutuelle. « Ce chiffre est toutefois biaisé sachant qu’on estime que 60 % des auto-entrepreneurs cumulent leur statut avec celui de salariés, retraités ou de fonctionnaires », tempère Grégoire Leclercq.

Les questions relatives à la sécurité au travail, la protection sociale, la couverture en cas d’accident, ou encore la mutuelle, sont autant de points auquel s’intéresse l’article 20 du projet de loi mobilité qui vient d’être adopté par l’Assemblée nationale. « Ce texte veut obliger les plateformes à instituer une charte dans laquelle elles indiquent clairement ce qu’elles prévoient notamment pour limiter les risques d’accident ou protéger le prestataire tels que l’attribution d’un casque ou d’un sac », indique Grégoire Leclercq. En apportant ces précisions dans la charte, cela écarterait le risque pour la plateforme de voir le statut de ses fournisseurs requalifiés en salariés. Idem pour l’aide au financement, les cotisations et les plans de retraite qui ne pourront plus être retenus par défaut comme des indices de requalification par les juges qui restent cependant souverains en matière de requalification.

Portrait d'Alain Griset

Alain Griset est président de l’Union des entreprises de proximité (U2P). © DR

La charte ne fait pas l’unanimité

L’idée d’une charte définissant les conditions et modalités d’exercice de la responsabilité sociale de la plateforme, ses droits et obligations avec ceux des travailleurs avec lesquels elle est en relation, ne fait évidemment pas l’unanimité. Alain Griset, le président de l’Union des entreprises de proximité (U2P). Cette association qui représente 2,8 millions d’artisans, commerçants de proximité et professions libérales estime que le projet de loi d’orientation des mobilités prévoit que les plateformes se dotent d’une charte de responsabilité sociale afin d’offrir une protection minimale à leurs travailleurs. « Dans les faits, les plateformes décideraient donc unilatéralement des droits des personnes qu’elles emploient sans possibilité de représentation, de négociation ou de recours », proteste Alain Griset, « C’est une véritable privatisation du droit du travail. L’adoption d’une telle charte interdirait toute tentative de requalification du statut de travailleur indépendant en travailleur salarié. Le gouvernement promeut la création d’un statut hybride entre celui de salarié et de travailleur indépendant, taillé sur mesure pour des acteurs qui doivent se gausser des largesses qu’on leur fait par crainte d’un procès en ringardise !

Des livreurs en vélo

Les plateformes de mobilité font travailler 60.000 auto-entrepreneurs. @Tousfacteurs

Une plateforme attentive à la pénibilité du travail

En tous cas, ce projet de charte est suivi de près par Tousfacteurs, un opérateur de mobilité spécialisé dans le transport de colis générés par les ventes de l’e-commerce. La société fait travailler 200 coursiers indépendants qui livrent majoritairement le soir des colis transportés en sac à dos. Lesquels font en moyenne 7 à 8 kg. Les tournées durent en moyenne deux heures. « Nous les encourageons à souscrire à des protections légales que nous négocions pour eux », indique Benjamin Lévine, le PDG de Tousfacteurs qui veille de près aux conditions de travail de ses prestataires. Par exemple, sa plateforme prend en compte la pénibilité en adaptant le nombre de colis par rapport à la vitesse de déplacement du coursier. De quoi limiter sa pénibilité.

Eliane Kan

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