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La poly-exposition aux cancérogènes reconnue en maladie professionnelle

Le 9 avril dernier, le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale (TASS) de Lyon a reconnu les cancers d’un ouvrier du verre comme maladie professionnelle, au titre de la poly-exposition aux cancérogènes. Une première en France.

Il est mort sans avoir vu la victoire de son combat. Christian Cervantes a travaillé dans l’usine de verrerie de Givors (69) pendant 33 ans. Atteint de plusieurs cancers, il est décédé le 21 février 2012 à l’âge de 64 ans, sans avoir obtenu de décision judiciaire concernant la reconnaissance professionnelle de sa maladie. Sa femme, Mercedes, a poursuivi son combat, avec le soutien de l’association des verriers de Givors et de l’association Henri Pézerat, qui porte le nom d’un chercheur français et qui lutte pour la santé en rapport avec le travail et l’environnement.

Les juges du Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) ont considéré que « l’exposition simultanée et/ou successive de Monsieur Cervantes, sur une durée de plus de trente années, à de multiples agents toxiques, dont trois sont des cancérogènes majeurs (amiante, HAP, solvants) entrés en synergie les uns avec les autres, a accru le risque de développement d’un cancer de la sphère ORL et, partant, qu’elle a pu causer le cancer du plancher de la bouche mais également le cancer du pharynx, diagnostiqués successivement et qui ont conduit à son décès. »

Jurisprudence. « C’est la première fois qu’un juge considère la poly-exposition aux agents pathogènes comme un facteur aggravant, affirme Annie Thébaud-Mony, présidente de l’association Henri Pézerat, directrice de recherche honoraire à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), spécialisée dans les cancers professionnels. Enfin, une décision cohérente. Car un cancer est en général lié à plusieurs polluants. » Un ouvrier du bâtiment, par exemple, est potentiellement exposé à de l’amiante, du plomb, des solvants, des poussières de bois, etc. Un mécanicien de la réparation automobile à des poussières métalliques, des fumées d’essence et de diesel, de la peinture, des huiles, etc. « Il ne faut pas chercher à rapporter un cancer à un seul agent, assure Annie Thébaud-Mony. En cela, nous souhaitons que ce jugement fasse jurisprudence. » 

En effet, le cas de Christian Cervantes n’est pas isolé. « Il est même emblématique. Les maladies de nombreux patients atteints de cancers ne rentrent pas dans les cases des 22 tableaux des maladies professionnelles reconnues. La situation de la France en termes de reconnaissance de ce type d’affections est catastrophique. »

Caroline Albenois

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