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Sûreté et sécurité

La biométrie comportementale en voie de maturité

Des systèmes capables d’effectuer un million de recherches multi-biométriques par jour, des cartes bancaires à lecteur d’empreintes digitales, des processus d’inscription par vérification d’identité à distance sur smartphone, des capteurs biométriques organiques… la R&D française et européenne propulse la biométrie sur les marchés mondiaux.

Après avoir esquissé les contours de la biométrie comportementale, Infoprotection.fr décrypte des nouvelles voies de la biométrie française et européenne. Au menu : des applications dans le contrôle aux frontières et les enquêtes policières, la carte bancaire, la dématérialisation de la carte Sesam-Vital et l’intensification du smartphone comme capteur biométrique.

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Le systèmee d’Idemia pour Interpol est capable d’effectuer un million de recherches multi-biométriques par jour. © Idemia

Jusqu’à un million de recherches multi-biométriques par jour

À tout seigneur, tout honneur. Idemia vient d’annoncer le renforcement de son partenariat avec Interpol (plus de 20 ans de collaboration). Le géant français de l’identité augmentée va fournir une nouvelle solution qui intègre à la fois la lecture d’empreintes digitales et palmaires ainsi que la reconnaissance faciale. Interpol pourra ainsi réaliser chaque jour jusqu’à un million de recherches multi-biométriques afin d’identifier instantanément des suspects dans des affaires criminelles ou de contrôles aux frontières. D’emblée, ce système automatisé d’identification biométrique se positionne parmi les plus performants du marché sur le créneau de la police scientifique.

Élargissement des domaines d’application

« Les criminels emploient des moyens toujours plus innovants et sophistiqués pour passer entre les mailles du filet. Du coup, les forces de l’ordre [ont besoin] des dernières avancées technologiques, en particulier en matière de sécurité biométrique, pour mieux lutter contre toutes les formes de criminalité transnationale », estime Cyril Gout, directeur de l’appui opérationnel et de l’analyse d’Interpol. Reste que les performances techniques de la biométrie multi-factorielle ouvrent la voie à d’autres applications. Exemple : outre les enquêtes de police, Interpol prévoit d’autoriser ses 194 États membres à interroger sa base de données aux points de contrôle aux frontières. Mais l’élargissement des domaines d’application va beaucoup plus loin. En témoigne le partenariat entre Idemia et Idex Biometrics pour lancer cette année une carte bancaire de paiement qui embarque le capteur d’empreintes digitales TrustedBio du fabricant norvégien.

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Pour dématérialiser la carte Sesam-Vital dans une app, Electronic Identification opère, entre autres, une reconnaissance OCR de titre d’identité et une identification par reconnaissance des micro-mouvements du visage à partir des flux vidéo du smartphone. © Electronic Identification

Dématérialiser la carte Sesam-Vital

De son côté, l’alliance entre l’intégrateur français Tessi et le fabricant espagnol Electronic Identification s’apprête à révolutionner le service Sesam-Vital afin de le dématérialiser sur smartphone. Premier étape, le processus d’inscription de l’application active l’enregistrement vidéo du smartphone de l’utilisateur qui commence par présenter son titre d’identité (carte d’identité, passeport biométrique…) recto et verso. « Au plan réglementaire, c’est au sein du flux vidéo que s’opère le contrôle d’authenticité du document par reconnaissance optique de caractères (OCR). En effet, on peut voir ainsi l’hologramme du passeport », explique Cyril Drianne, responsable France d’Electronic Identification.

Contrôle manuel de validité

Seconde étape, le processus d’inscription exige de filmer le visage de l’utilisateur. « En lui demandant de sourire, nous obtenons, selon un défi aléatoire, une preuve de vie grâce à la détection des mouvements micro-faciaux de l’individu », souligne Guillaume d’Aillières, responsable de la plateforme Digital ID de Tessi. Une fois cette preuve vivante effectuée, le processus compare que le visage filmé avec le visage stocké sur la pièce d’identité. À ce moment, ces éléments sont envoyés à un salarié de Tessi. « La vérification humaine n’intervient que pour valider l’enrôlement. Ensuite, les transactions se font automatiquement », précise Eric Jamet, responsable marketing de Tessi. Ce qui, pour Tessi, implique de consacrer une équipe interne de 40 à 50 agents de validation qui opèrent sur ses propres infrastructures de réseaux basées à Bordeaux. Enjeu : enrôler 30 millions d’assurés en quatre ou cinq ans à partir de 2023 !

Visa de l’ANSSI

Ce parcours de vérification d’identité à distance s’inscrit dans le cadre du règlement européen eIDAS sur la confiance dans les transactions électroniques au sein du marché intérieur sur la base de critères communs. En France, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) encadre ce règlement grâce à un référentiel qu’elle a élaboré à destination des prestataires de vérification d’identité à distance (PVID) – comme Tessi – publié le 1er mars dernier. Depuis le mois d’avril, ces PVID peuvent candidater à une certification validée par un visa de sécurité de l’ANSSI indiquant un niveau de garantie ‘‘substantiel’’ ou ‘‘élevé’’. Cet encadrement ouvre à la biométrie de vérification d’identité à distance les marchés de la banque, assurance, santé, immobilier ainsi que de la lettre recommandée électronique.

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Ce capteur organique transforme la surface de l’écran d’un smartphone en lecteur d’empreintes digitales à haute résolution. © Isorg

Réduire les coûts avec l’électronique organique

Reste à réduire considérablement les coûts. Ce à quoi s’emploie Isorg. Cette spin-off du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) créée en 2010 a investi en deux tours de table (2014 et 2018) pas moins de 32 millions d’euros pour développer des capteurs d’image de grande taille qui ont pour originalité d’être réalisés à base de polymères. À l’instar de leurs confrères en silicium, ces capteurs organiques sont des photo-détecteurs qui convertissent la lumière en signal électrique. Les intérêts sont multiples : « Au lieu de recourir à très coûteux procédés de la micro et nano-électronique (stéréolithographie, évaporation sous vide…), nous utilisons des procédés par voie liquide semblables à ceux de l’imprimerie », détaille Nicolas Bernardin, directeur du développement commercial chez Isorg qui emploie 70 salariés. Autre avantage, Isorg, qui a déposé pas moins de 70 brevets, fabrique à basse température des capteurs aussi bien rigides que flexibles dans son usine de Limoges qui compte 1 000 m² de salles blanches. De quoi nourrir la perspective de baisser considérablement les coûts de fabrication.

Des produits intégrant des capteurs organiques dès l’an prochain

La société entrevoit le démarrage de son décollage commercial cette année. Elle vise deux marchés de produits sur étagère. Tout d’abord, celui des smartphones. « Nous sommes en discussion avec les grands fabricants de smartphones et leurs principaux sous-traitants pour intégrer notre capteur derrière leur écran OLED. La surface entière de l’écran peut alors s’activer pour capter les empreintes digitales jusqu’à quatre doigts avec une précision de 500 dpi. De quoi accroître la sécurité », reprend Nicolas Bernardin. Ces nouveaux smartphones devraient arriver sur le marché l’an prochain.

Des capteurs français certifiés par le FBI

Second marché : le contrôle d’accès aux frontières. Isorg s’apprête à commercialiser des scanners d’empreintes digitales bien plus petits, limités à un doigt, qui s’intègrent à des lecteurs pour le contrôle d’accès. « À cet égard, nos capteurs biométriques organiques ont été les premiers au monde à décrocher en janvier dernier la certification du Federal Bureau of Investigations (FBI) aux États-Unis », sourit Nicolas Bernardin. Une référence qui ouvre à Isorg l’espoir de s’imposer sur les marchés internationaux.

Erick Haehnsen

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