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Karine Aubry (coach) : « Quand l'avion de chasse ne décolle pas »

Spécialisée dans le management, cette coach pour dirigeants et management soulève un point sensible de bien-être au travail : les hauts potentiels qui refusent une promotion. Volonté de rester dans sa zone de confort, erreur de casting, problème générationnel ou de management ? Explication du mal-aise et comment le surmonter.

Photo de Karine Aubry, coach pour dirigeants et managers

« Le jeune talent peut accepter l’évolution à condition qu’on écrive l’histoire avec lui », explique Karine Aubry, coach pour dirigeants et managers . © D.R.

Comment caractérisez-vous le haut potentiel qui déçoit ?

Vous comptiez sur elle ou sur lui. Son talent et ses capacités ne vous avaient pas échappés. Avec votre DRH vous l’aviez classé(e) dans les hauts potentiels et vous en attendiez beaucoup. Mais voilà, votre « avion de chasse »reste sur le tarmac : il (ou elle) fait son travail, sans plus d’ambition.

Avez-vous des cas concrets ?

Oui, par exemple Sébastien. Brillant commercial, apprécié de ses collègues, il vient de refuser la direction de l’équipe. Incompréhensible ! Ou Joanne, cheffe d’équipe technique qui se cantonne à son cœur d’expertise alors qu’elle serait excellente sur d’autres sujets.

Pourquoi cela ne tourne-t-il pas rond ?

Lorsqu’un manager cherche à faire grandir ses collaborateurs, il rencontre parfois une forme de résistance… Difficile à comprendre quand il voit tout ce que ce talent aurait à y gagner.

Est-ce une affaire de zone de confort ? Une génération qui manque d’ambition ?

Pas sûr. En premier lieu, interrogeons ce projet d’évolution. Qui en est animé ? Avec cette simple question, nous pourrions nous rendre compte que le comité directeur a projeté pour cette recrue une trajectoire idéale… en oubliant de la construire avec la personne concernée. Or projeter « pour » quelqu’un revient à projeter « sur » cette personne : ses propres attentes, ses envies, une motivation… Certes, l’intention d’accompagner l’évolution d’un collaborateur est louable. Encore faut-il s’assurer que le principal intéressé partage ce rêve. C’est le syndrome du nouvel organigramme dévoilé en séminaire annuel où certains découvrent en séance leur nom à une place flatteuse mais néanmoins inattendue. De là, convenons que le jeune talent n’est peut-être pas friand de développer tout le potentiel qu’on a vu en lui.

Il y a peut-être un manque de dialogue…

Le jeune talent peut accepter l’évolution à condition qu’on écrive l’histoire avec lui. Cela passe par une explicitation des attentes et des points forts qui les soutiennent. En réponse, le collaborateur se positionnera. C’est ce qu’a fait le manager de Joanne en lui annonçant qu’il la voyait cheffe de pôle à moyen terme. Une évidence pour lui, avec ses capacités managériales et son sens de l’organisation. Au début Joanne a été surprise. C’était comme si on lui proposait un costume taille 44 au lieur de 36. Erreur de casting ? Elle doutait déjà de tenir suffisamment bien son rôle actuel. Mais l’échange avec [ou : les feedbacks de] son manager ainsi qu’une prise de recul l’ont amenée à se voir plus grande, avec l’envie de relever le défi.

Y a-t-il des freins non apparents ?

Comme Joanne, un collaborateur peut réserver un accueil mitigé aux idées enthousiastes de son N+1. L’écoute fine du manager s’avère alors précieuse pour détecter des freins gardés silencieux par le collaborateur… Lequel peut craindre de décevoir : peur de manager ses anciens collègues, de devoir prendre la parole en public ou encore de dévoiler son faible niveau d’anglais… Une fois ces freins explicités, des solutions apparaissent souvent : adapter le projet d’évolution, son rythme et l’accompagner.

Mais, parfois, le jeune talent décline vraiment l’invitation…

Malgré les encouragements, il ne se voit pas plus haut. Pour l’instant. Imaginons toutes ses bonnes raisons : préserver ses acquis professionnels ou son équilibre de vie, profiter d’un stabilité après une évolution rapide ou plusieurs changements… Et s’il avait plus à perdre qu’à gagner en évoluant ? Quoiqu’il en soit, en management comme au champ, on ne fait pas grandir des carottes en tirant dessus !

© Propos recueillis par Erick Haehnsen

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