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Sûreté et sécurité

Jean-Paul Béchu (Brandsays) : « Les marques doivent créer une base de données mondiale recensant les sites illégaux et frauduleux accessibles aux consommateurs »

Avis d'expert de Jean-Paul Béchu, fondateur de Brandsays, une émanation du spécialiste de la protection des marques sur internet Nameshield. Ce dernier nous livre son point de vue sur la contrefaçon en ligne.

Comment se porte le marché de la contrefaçon en ligne ?
Vêtements, maroquineries, cosmétiques, high-tech, médicaments, etc. La contrefaçon explose avec la multiplication des achats sur Internet. Selon une étude de KeepAlert pour l’Union des Fabricants (Unifab), les saisies douanières provenant des ventes en ligne sont passées, en dix ans, de 1 à 30% ! Clairement, le crime paie : d’après une enquête de RogueFinder, avec un investissement de 1.000 dollars, un contrefacteur multiplie sa mise par 10, engendrant des revenus colossaux au même titre que la drogue ou la prostitution. Étant moins répréhensible par la loi, ce n’est pas un hasard si la contrefaçon en ligne prend une ampleur sans précédent et si le crime organisé s’est intéressé à ce juteux commerce. Pour endiguer ce fléau grandissant, les marques, le gouvernement et les citoyens se doivent d’unir leurs forces.
Quelles sont les répercussions sur les consommateurs ?
 
Les consommateurs continuent d’acheter des produits contrefaits de mauvaise qualité, voire dangereux. Comme dans le cas, par exemple, des chargeurs de smartphones qui explosent ou de faux médicaments. L’OMS a d’ailleurs rappelé que 50% des médicaments achetés sur Internet sont des contrefaçons !

Comment réagissent les enseignes victimes de la contrefaçon en ligne ?
 
Face à ces réseaux criminels qui pullulent et se professionnalisent pour mieux tromper le consommateur, les marques se trouvent souvent impuissantes. Quand bien même, elles traquent et combattent vaillamment par le biais de procédures juridiques (bien souvent longues) les propriétaires de ces sites frauduleux, ces actions isolées ne sont ni suffisantes ni adaptées au dynamisme du web face. Car les malfaiteurs sont nombreux, très agiles et ils changent de nom en permanence. Faute de sanctions juridiques immédiates pour contrecarrer efficacement la contrefaçon en ligne, beaucoup de marques privilégient la discrétion : ne pas s’épancher sur ce problème pour ne pas effrayer le consommateur et le dissuader d’acheter.

Alors comment peuvent-elles y remédier ?
 
Pour en finir avec cette politique de l’autruche qui fait finalement le jeu des contrefacteurs et dans l’attente de décisions de justice, il devient urgent pour les marques de compléter leurs actions juridiques avec des outils de prévention en temps réel, collaboratifs et viraux. C’est-à-dire, en résumé, conformes aux besoins du net. Les marques ne peuvent décemment pas continuer à agir de manière secrète et isolée. Elles se doivent d’unir leurs forces – au-delà des fédérations et regroupements sectoriels qui existent déjà – pour créer une base de données mondiale recensant les sites illégaux et frauduleux accessible aux consommateurs.

Vous prônez donc une grande unification. Quels autres acteurs peuvent aussi participer à la lutte contre cette fraude ?
Comme il en va de l’intérêt public, le gouvernement a lui aussi une carte à jouer pour inciter les entreprises à jouer collectif, en toute transparence. Certes des mesures telles que la Loi numérique, la Charte d’engagement ou encore la contribution au projet Phishing Initiative sont prises pour lutter contre le fléau de la contrefaçon en ligne mais sans réussir aujourd’hui à impliquer – voire si nécessaire contraindre – les marques à s’unir pour la protection des citoyens.


Justement, les internautes ne pourraient-ils pas eux aussi avoir un rôle important à jouer ?
 
Le concours de ces derniers est tout aussi nécessaire. A l’ère du crowdsourcing, quoi de plus naturel que de faire appel à la vigilance des internautes. Imaginez le poids de cette ressource complémentaire pour les marques. Alertées directement par le consommateur, elles disposeraient alors d’un pouvoir d’identification des sites illégaux inégalable, sans aucune mesure comparable aux capacités de surveillance de leur service juridique, aussi performant soit-il. Plus qu’une nécessité donc, cette alliance informelle mais néanmoins combative est un devoir. Le devoir des marques de protéger les consommateurs, le devoir de l’Etat de protéger les citoyens, le devoir de vigilance des internautes. Seule une prise de conscience collective nous permettra de lutter efficacement contre la contrefaçon en ligne.

Ségolène Kahn

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