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Risques industriels et environnementaux

Incendies de forêt : adapter les stratégies de lutte aux évolutions climatiques

L'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea) a défini les types de temps favorables aux grands incendies en France. Il identifie également les zones les plus vulnérables. De quoi aider collectivités et pompiers, dans la mise en place de stratégies de préventions.

Chaque année depuis 10 ans, près de 9.500 hectares de forêt en moyenne sont en proie aux flammes sur notre territoire. Selon une première étude de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea), les grands incendies (plusieurs dizaines d’hectares), événements rares puisqu’ils représentent seulement 3% des incendies recensés, mais responsables de 75% des surfaces brûlées, sont souvent plus intenses, entraînant de sérieux dégâts pour nos habitations, nos infrastructures et nos écosystèmes. Ils représentent un défi majeur pour les forces de lutte. Or les changements climatiques en cours et à venir (sécheresses, températures plus élevées, vents violents…) impactent et impacteront l’aléa feux de forêt. Dans ce contexte, comment mieux identifier les conditions météorologiques favorables aux grands feux ?

Incendies « gouvernés par le vent »

D’après une analyse des corrélations entre conditions météorologiques régionales en altitude et fréquence des grands incendies depuis 1973 dans le sud-est de la France (région des Alpes du nord et du sud), deux types de grands incendies sont favorisés par deux circulations atmosphériques d’altitude spécifiques. À savoir les grands incendies « gouvernés par le vent », c’est-à-dire liés à la présence d’un fort anticyclone atlantique qui génère du vent violent (mistral) et dessèche rapidement la végétation. Plus fréquents, ces incendies se propagent rapidement et leur localisation dépend de la position précise de l’anticyclone.

Incendies « contrôlés par la chaleur »

De leur côté, les grands incendies « contrôlés par la chaleur » sont liés à un blocage de la circulation dû à un renforcement de l’anticyclone des Açores, entraînant de fortes augmentations des températures, en particulier dans l’ouest de la région (du sud de la France). Ces incendies se propagent plus lentement mais avec une forte intensité à l’instar des feux exceptionnels de 2003. Or, sous l’influence du changement climatique, les conditions météorologiques propices aux grands incendies « contrôlés par la chaleur » augmentent significativement. « On peut donc redouter ce type d’incendie très intense et très difficile à combattre si les tendances actuelles et les prédictions des modèles climatiques se confirment », explique Thomas Curt, directeur de recherche à Irstea.

Prévoir les incendies quelques semaines avant qu’ils n’arrivent

D’où la nécessité d’accompagner les acteurs de la gestion du risque incendie à ajuster leurs techniques de lutte à ces évolutions. Cette typologie pourrait également aider à prévoir les périodes à risque de grands feux quelques jours à quelques semaines avant leur occurrence, via l’analyse des conditions météorologiques en altitude et des variables météorologiques simples (vent, humidité de l’air, température). Pour aller plus loin, une seconde étude menée par l’Irstea et l’Université de Grenoble s’est ainsi penchée sur les changements de l’aléa feux de forêt dans les Alpes françaises depuis 1959.

La durée de la saison des incendies s’allonge

Plus fréquents et plus intenses, les incendies de forêts dans cette zone sont en expansion depuis 1959. En combinant un pas de temps journalier et une échelle spatiale fine (25 m), Sylvain Dupire, doctorant Irstea et ses collègues ont observé des changements très contrastés entre Alpes du nord et Alpes du sud : « L’aléa météo feux de forêt est plus fort dans les Alpes du sud chaudes et sèches depuis 1959. » Autre évolution, la saison favorable aux feux s’allonge au printemps dans les Alpes du nord et presque toute l’année dans les Alpes du sud. Face aux tendances observées, les auteurs insistent sur le nécessaire renforcement des politiques d’alerte et de prévention, et l’adaptation du territoire aux changements globaux. Au-delà d’une meilleure compréhension sur les évolutions des incendies de forêt à l’échelle des Alpes françaises, ces résultats apportent un nouvel éclairage pour aider les forces de luttes à mieux se pré-positionner dans les massifs à risque en périodes de danger. L’enjeu est désormais d’analyser l’impact de l’évolution des incendies sur la capacité de protection des forêts, rôle essentiel pour protéger hommes et maisons contre les risques naturels comme les chutes de blocs.

Erick Haehnsen

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