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Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

Grève des agents de sécurité du privé pour une augmentation générale des salaires de 10% net

L’intersyndicale CGT, CFTC et Unsa a appelé tous les salariés de la branche de la sécurité privée à se mettre en grève à partir de ce mercredi 2 novembre pour demander notamment une augmentation générale des salaires.

A Paris-La Défense, Bordeaux, Lyon, Rouen, Toulouse ou encore Marseille, des rassemblements d’agents de sécurité privée ont lieu ce 2 novembre. A l’appel de l’intersyndicale CGT, CFTC et Unsa, ils font grève et manifestent pour dire leur ras-le-bol et réclamer de meilleures conditions de travail ainsi qu’une augmentation générale de leurs salaires de 10% net. Il faut dire que, depuis la vague d’attentats qui a démarré en France en 2015, les forces de l’ordre ne sont pas les seules à être en permanence sur le qui-vive. En effet, dans le contexte actuel de menace terroriste, les agents de sécurité privée sont sur-sollicités. Du coup, certains salariés sont à bout.

Refus de se laisser enfermer dans la précarité

Selon un communiqué de l’intersyndicale, « le recours à la protection privée des biens et des personnes s’est largement accru. Le patronat de la branche, déjà gavé d’argent public, et donc de nos impôts, persiste dans son refus d’une revalorisation conséquente des salaires en rapport avec une charge de travail qui s’accentue et une exposition aux risques aggravée. Bradés aux clients, exploités par les employeurs, les salariés de la Prévention Sécurité refusent de se laisser enfermer dans la précarité, qu’elle soit statutaire ou salariale. Ils dénoncent les stratégies patronales qui consistent à confisquer aux travailleurs le produit de leur travail, tout en tentant de détruire les garanties collectives, s’exemptant des règles de conduite imposées aux salariés. Nombreux sont ceux qui sont contraints d’avoir un deuxième emploi, subissent des conditions de travail dégradantes, et vivent sous la pression permanente de perdre leur emploi, et de changer d’employeur régulièrement. »

Manque de formation
Aujourd’hui, la plupart des 150.000 salariés touchent à peine le Smic et les trois fédérations demandent aux entreprises du secteur non seulement d’accorder une hausse générale immédiate de 10% net des salaires mais aussi la transparence dans l’utilisation des subventions publiques et notamment des aides et exonérations accordées. A cela s’ajoutent des revendications qui portent sur l’extension du contenu des missions : les agents de sécurité incendie se voient désormais confier des tâches de sécurité en contrôle d’accès avec, notamment la fouille des bagages à main ainsi que des missions de premiers secours en cas d’attentat. Et inversement. « Une personne armée d’un couteau, je ne me vois pas l’arrêter […]. On nous demande d’en faire plus à ce niveau-là. Je le comprends par rapport aux attentats mais, là, ça ne rentre plus dans notre domaine », explique un agent de sécurité.

Salaires trop faibles
Si cette intersyndicale se veut menaçante expliquant que les salariés sont “excédés” et qu’ils vont « relever la tête pour le respect de leurs droits et vivre dignement de leur travail », il n’est pas sûr que le mouvement prenne. En effet, bon nombre de salariés de cette corporation ne seraient pas prêts à perdre une ou plusieurs journées de salaire. « Et comment on fait quand on est au taff et en CDD ? Je me vois mal me faire virer pour manifester, soulève Cyril Beltran, agent de sécurité près de Valence sur la page Facebook de l’intersyndicale. Au boulot mais en grève quand même pour soutenir tous mes collègues de la sécurité privée ! » Pour sa part, Manuel Da Cunha, agent de sécurité à Val-de-Seine, émet des doutes : « Ça bouge ? Vous croyez que les agents vont perdre une vacation ? Je pense pas. On a déjà pas un gros salaire alors si on nous enlève une journée comment fait-on ? Je pense que cette grève aura pas d’impact car pas beaucoup y prendrons. » S’ajoute à cela l’amplitude horaire : 12 heures de travail par jour pour un salaire peu conséquent. De fait, avec un salaire de 1.400 euros bruts, difficile de boucler les fins de mois. Ce qui pousse certains professionnels du secteur à dire : « Je veux pouvoir exercer mon métier et en vivre. »

Menaces
« On s’est tous tenus tranquilles jusqu’à maintenant. On a été compréhensifs, professionnels, souligne Nelson Barbosa, délégué CFTC. On fait des métiers réglementés qui sont aujourd’hui payés comme un job. On veut juste la simple reconnaissance des choses. Je crois qu’on est vraiment déterminés. Le ras-le-bol est tellement général que ça va se poursuivre. On ne s’arrêtera pas là. Enfin ça bouge. » Et Daniel Peltier, secrétaire général CFTC du syndicat des agents de sécurité, d’enfoncer le clou : « Depuis le Stade de France et le Bataclan, il y a un ras-le-bol complet des agents parce qu’ils n’en peuvent plus. On est le premier rempart face à une menace terroriste et on nous en demande de plus en plus tout cela pour être payé au Smic. C’est déplorable. On veut donc être entendus, écoutés. On est prêts à continuer le mouvement le plus longtemps possible, jusqu’à ce que les pouvoirs publics nous entendent. »

La (fausse) perche tendue du Snes
Pourtant, dans un courrier du 23 septembre, Jean-Pierre Tripet, président du Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes) tend une perche à l’intersyndicale en proposant d’élaborer un nouveau contrat social de branche pour l’émergence d’une nouvelle sécurité privée dans lequel « les qualifications professionnelles et bien évidemment les rémunérations associées doivent être placées en tête de liste des sujets de négociations. La gestion des polycompétences ou de la polyvalence devront également être mises sur la table des discussions […]. » Pourquoi alors faire grève ? Le ton du président du Snes semble ne pas prendre toute la mesure du mécontentement général : « Pour cela, il faut aussi que cessent les doubles jeux et les faux-semblants entre nous/ Il faut que, dans un climat de confiance et de respect mutuel, mais aussi il faut le dire de loyauté vis à vis des engagements pris, les inévitables rapport de force du dialogue s’équilibrent dans l’intérêt commun… Il ne peut y avoir d’avancée sans cette nouvelle donne […]. » En France, le dialogue social reste difficile.

Erick Haehnsen

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