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Glyphosate : la Commission européenne reporte le vote des États membres

Acculée par les opinions publiques et par la mobilisation de parlementaires, la Commission européenne n'a eu d'autre choix que de repousser au 9 novembre le vote des 28 États membres sur le renouvellement de la licence du glyphosate. Une victoire en demie teinte pour les détracteurs de cette molécule classée cancérogène probable par l'OMS.

À Bruxelles, le feuilleton du Glyphosate connaît d’incessantes péripéties. A commencer par la mise en scène, quelque peu provocatrice, de l’Europe et Monsanto couchant dans le même lit, montée ce mercredi 25 octobre à Bruxelles par des membres du collectif Stop Glyphosate ! Il faut dire que, à quelques pas de là, se réunissaient les experts de la Commission européenne chargés de statuer sur l’avenir de cet herbicide à la base du Roundup, le produit phare de la firme américaine, et de ses génériques. Au cours de cette réunion, l’UE n’a pas trouvé de solution capable de rassembler une majorité d’États membres sur le sort du glyphosate, dont la licence expire le 15 décembre prochain, renvoyant la décision à une date ultérieure. Finalement, la Commission a annoncé vendredi 27 octobre qu’elle soumettrait le 9 novembre prochain au vote des 28 États membres de l’UE une nouvelle proposition de prolongation de la licence d’utilisation de l’herbicide controversé, pour une durée réduite à cinq ans au lieu de dix. 

Opposition à une autorisation pour dix ans
Plusieurs États membres dont la France, l’Autriche, l’Italie et la Belgique avaient publiquement exprimé leur opposition à une autorisation valable pour encore une décennie. La saga dure depuis plus de deux ans dans l’UE. La décision ne peut se faire qu’à la majorité qualifiée (55% des 28 États membres et 65% des habitants). Agacée de voir les États membres se défiler, la Commission répète inlassablement depuis l’été que la décision doit relever d’une responsabilité partagée. Mardi après-midi, elle avait pourtant déjà commencé à revoir à la baisse la durée d’autorisation envisagée, évoquant une période de cinq à sept ans. 

Les évaluations scientifiques mises en cause
Plusieurs capitales réclament que l’UE prépare le terrain à une disparition progressive de cette substance qui est pourtant plébiscitée par les agriculteurs pour son efficacité et son faible coût. Mais une élimination progressive du glyphosate ne figure pas dans la proposition de la Commission européenne soumise au vote le 9 novembre, a précisé Anca Paduraru, porte-parole à la Commission européenne. Rappelons que la dangerosité de l’herbicide est au cœur d’une controverse soulevée par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, en 2015, l’a classé « cancérogène probable ». Contrairement aux agences européennes, à savoir l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) [en anglais: European Food Safety Authority (EFSA)] et l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC) [en anglais : European Chemicals Agency (ECHA)]. Rappelons aussi que, initialement, la Commission européenne avait proposé de renouveler la licence du glyphosate encore pour 10 ans. À l’opposé, le parlement européen a, quant à lui, voté mardi 24 octobre pour une interdiction du produit d’ici fin 2022. En vain, car son avis n’est que consultatif. De son côté, la France souhaite que le renouvellement de l’autorisation de cet herbicide « n’aille pas au-delà de quatre ans », a indiqué Matignon à l’AFP ce même mercredi. En réalité, le gouvernement français s’est montré divisé sur la position à porter au niveau européen. D’une part, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, défend une sortie du glyphosate d’ici 3 ans. Tandis que son homologue à l’Agriculture, Stéphane Travert, souhaite une échéance comprise entre cinq à sept ans. 

Une majorité de Français hostiles au glyphosate
Sur Internet, la mobilisation a commencé à se faire autour de sites de pétitions en ligne comme Avaaz.org, qui a rassemblé 1,5 million de signatures, ou Greenpeace et ses 1,3 millions de signatures. Selon un sondage d’Odoxa-Dentsu, Consulting pour franceinfo et Le Figaro publié jeudi 26 octobre, 81% des Français, quelle que soit leur orientation politique, estiment qu’il faut interdire le glyphosate parce que cet herbicide est « potentiellement dangereux pour la santé ». Seuls 19% des sondés pensent au contraire qu’il « ne faut pas l’interdire », parce que « sa dangerosité n’est pas certaine et que les agriculteurs français en ont besoin. » Dans la foulée, Auchan Retail, la division du groupe dédiée aux activités de distribution, a annoncé vendredi 27 octobre le retrait de ses rayons jardin des produits phytosanitaires contenant des molécules de synthèse, dont le glyphosate. « Déjà engagé en 2013 via une reformulation plus écologique de ses produits de jardinage à marque propre, Auchan Retail France [avait] décidé de retirer de ses rayons tous les produits de jardinage contenant des molécules de synthèse, dont le glyphosate », écrit le groupe dans un communiqué. Dès le 15 novembre, les rayons jardin des magasins Auchan offriront exclusivement des produits plus naturels, en libre-service […]. » Quant aux produits contenant du glyphosate encore en stock, ils seront récupérés par une société certifiée Certiphyto, spécialisée dans la gestion de déchets diffus spécifiques, précise le groupe. 

Une initiative parlementaire pour informer sur les pesticides
De son côté, l’Assemblée nationale a créé une mission d’information sur les produits phytopharmaceutiques, commune à quatre commissions : affaires sociales, affaires économiques, affaires culturelles et éducation, développement durable et aménagement du territoire. Transpartisane, celle-ci rassemble 23 députés autour d’Elisabeth Toutut-Picard (LREM), assistée de Delphine Batho (Nouvelle Gauche) et de Michel Delpon (LREM). Cette mission d’information sera amenée à réaliser des auditions et à publier un rapport d’information avec pour but de faire un état des usages, en établissant le bilan de leur utilisation ; d’évaluer les risques et les enjeux relatifs à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ; de rechercher les solutions alternatives qui pourraient être proposée à la filière agricole. 

Erick Haehnsen

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