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Sûreté et sécurité

Gérard Pesch (GSI) : « Casser les silos de la sécurité pour la rendre globale »

Fondateur de la démarche Initiative pour une sécurité globale (GSI), cet ancien directeur de l'activité de conseil en sécurité de Thales organise le premier Festival du film de sécurité* qui aura lieu le 11 octobre prochain à Enghien-les-Bains (Val-d'Oise).

Pourquoi organiser le premier Festival du film de sécurité d’Enghien-les-Bains ? Est-ce pour surfer sur la vague d’un marché en pleine expansion ?

Il y a 3 ans, nous avons lancé, dans un cadre citoyen, la démarche  »Initiative pour une sécurité globale » [Global Security Initiative (GSI)] qui veut apporter un éclairage nouveau sur la filière de la sécurité. Et, pour imaginer les solutions du futur, il faut décloisonner la sécurité, casser les silos. Auparavant, j’étais directeur de l’activité de conseil en sécurité chez Thales. Je suis parti à la retraite mais il me tenait à cœur de poursuivre la réflexion sur le marché de la sécurité avec une prospective de 5 à 10 ans.
Quels sont vos supports ?
J’ai trouvé un appui auprès du département du Val-d’Oise et de son pôle aéroportuaire qui rassemble les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget. Deux entités extrêmement matures en termes de sûreté et de sécurité. Je me suis aperçu qu’il n’y avait pas de Think Tank en matière de sécurité globale.

Pourtant, en matière de sécurité et de sûreté, les syndicats professionnels et les clubs de réflexion ne manquent pas et ils ne vous ont pas non plus attendus…
C’est vrai. Il y a, entre autres, le Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE) qui comme son nom l’indique traite de la sécurité des entreprises. Ou, par exemple, le Club des experts de la sécurité de l’information et du numérique (Cesin) qui se focalise sur la cybersécurité… C’est très bien mais leurs approches sont spécialisées. Or nous pensons qu’il faut casser les silos pour développer une approche transversale et globale de la sécurité. C’est aussi en associant les métiers que l’on pourra reconsidérer toute la chaîne de la sécurité : de l’approche de la protection jusqu’à la résilience. C’est-à-dire jusqu’au post-traumatique.

Quels sont les facteurs qui ont préludé à votre réflexion ?
Tout d’abord, l’accroissement de la menace, même si les attentats de 2015 (Charlie Hebdo et le Bataclan) n’avaient pas encore eu lieu au début de notre réflexion. Vient ensuite, la révolution numérique : plus les entreprises s’investissent dans la transition numérique, plus elles s’ouvrent à des vulnérabilités, notamment avec les objets connectés. Je pense tout particulièrement à la voiture connectée.
Quand vous évoquez les silos à casser, à quoi, précisément, faites-vous référence ?

Les silos ne sont pas uniquement entre les différentes disciplines de la sécurité. Par exemple, entre le directeur de la sûreté qui adhère au CDSE et le directeur des systèmes d’information (DSI) qui adhère au Club informatique des grandes entreprises françaises (Cigref) ou au Club de la sécurité de l’information français (Clusif). Quant au responsable de la sécurité des systèmes d’information, il sera au Cesin. De fait, il y a également d’autres métiers intervenant dans la chaîne de la sécurité : gestion de crises, plans de continuité d’activité (PCA), Comités hygiène, santé et conditions de travail (CHSC), sécurité industrielle, lutte contre l’incendie, gestion des risques environnementaux… On le voit bien, tous ces silos travaillent de façon plus ou moins isolée.
Quel est alors le défi que vous préconisez ?
Il s’agit de voir comment intégrer la sécurité dans de nouveaux schémas, capables d’interconnecter de façon transversale ces différents métiers. Cette approche passe par l’ingénierie, les métiers, la stratégie, le social. En fait, il faut remettre l’humain au centre des choses.
C’est-à-dire ?
La réflexion sur l’humain revêt un caractère global. La nouvelle génération de salariés n’est pas rattachée à l’entreprise. Par exemple, les conducteurs d’Uber n’en sont pas salariés. Dans le même temps, les entreprises sont de plus en plus interconnectées et interdépendantes… Cela pose la question : qu’est-ce que l’entreprise de demain ? Pourquoi AirBnB est-elle plus valorisée que le groupe Accor ? Il faut alors changer la vision de la sécurité, tenir compte de l’évolution de la menace et inventer la sécurité de demain dans le contexte de la transformation numérique. Voitures connectées, hôpitaux connectés, villes connectées… autant de points de vulnérabilité. Je vous rappelle qu’on a vu des pirates contrôler à distance des pacemakers…
Comment en arrivez-vous à organiser le Festival du film de sécurité ?
Dans le cadre de cette démarche, nous avions commencé avec un colloque, en 2014 à Roissy, sur le thème Faire face aux nouvelles menaces, favoriser la collaboration État, entreprises, territoires et citoyens. Pendant deux journées, nous avons ainsi favorisé le décloisonnement entre les acteurs et les métiers. Et nous avons reçu le soutien, entre autres, du CDSE, du Forum de la cybercriminalité (FIC), du Clusif, de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), du ministère de l’économie… Ce colloque a validé l’idée de territoires d’expérimentations et de territoires de confiance où l’on peut développer des démonstrateurs territoriaux – dont certains seront annoncés en fin d’année. Mais nous nous sommes aperçus qu’il fallait des actions d’information et de sensibilisation. D’où le festival. D’une part, au sein des organisations, il y a déjà des films de sensibilisation à la sécurité destinés aux salariés. D’autre part, Daech produit aussi des films pour les réseaux sociaux à des fins de recrutement et de propagande. C’est clair : pour faire face aux menaces, il va falloir utiliser l’image et le numérique !
Y aura-t-il assez de films à montrer sur toute une journée ?
A cette question s’en ajoute une autre : est-ce que leurs détenteurs accepteront de nous les confier ? Nous avions cette double appréhension. En fait, 90 films sont en compétition ! C’est remarquable. D’autant que nous ne voulions ni de pubs ni de reportages TV pour cette première édition. Au-delà de la projection des films, il y aura des conférences et des échanges. C’est à la fois un colloque et un festival.

Propos recueillis par Erick Haehnsen

* Centre des arts d’Enghien-les-Bains, 12-16, rue de la Libération, 95880 Enghien-les-Bains

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