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Risques industriels et environnementaux

Fonds de prévention des risques naturels majeurs : la Cour des comptes critique le désengagement de l’État

Créé en 1995 pour indemniser les propriétaires de biens exposés à des catastrophes naturelles, le champs d'intervention de fonds n'a cessé de s'élargir. Financé sur les primes des assurés au titre de la garantie catastrophe naturelle, il sort ainsi des dépenses ordinaires de l’État.

A l’heure où, selon Enedis, plus de 250 000 foyers sont privés d’électricité ce lundi 6 mars, en raison des intempéries dues à la tempête Zeus, le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, est dans le collimateur de la Cour des comptes. Créé par la loi n°95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, sa vocation initiale se circonscrivait seulement à financer les indemnités versées aux propriétaires de biens expropriés en raison de risques naturels menaçant gravement la vie des occupants. Ses dépenses, limitées à 10 millions d’euros par an jusqu’en 2004, ont atteint 100 millions d’euros dès 2007 et se sont élevées à 158 millions d’euros en 2014 en raison d’un champ d’intervention régulièrement élargi. Précisons qu’en 2010 et 2011, les dépenses ont culminé respectivement à 253,8 millions d’euros et 222,8 millions d’euros en raison des conséquences de la tempête Xynthia.

Débudgétisation des dépenses ordinaires de l’État

Financé par un prélèvement passé de 2% à 12% au cours des années 2000 sur les primes additionnelles versées par les assurés au titre de la garantie catastrophe naturelle, le FPRNM est devenu, au fil des années, la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels. La Cour estime critiquable cette  »débudgétisation » des dépenses ordinaires de l’État. Par ailleurs, il faut savoir que 18 lois comportant 45 dispositions sont intervenues le plus souvent par voie d’amendements parlementaires. Ensuite, les textes réglementaires d’application n’ont pas tous été pris de sorte qu’il existe des décalages, voire des incohérences, entre la partie législative et la partie réglementaire du code de l’environnement. Enfin, le dispositif de « délocalisation », qui permet aux personnes résidant dans des zones où leur vie est gravement menacée par certains risques naturels majeurs, de se réinstaller ailleurs, dans des conditions économiquement satisfaisantes, doit être révisé. Toutes ces carences de fonctionnement poussent la Cour des comptes à estimer critiquable cette débudgétisation des dépenses ordinaires de l’État.

Une « délocalisation » pas toujours bien justifiée

A commencer par la révision du dispositif de « délocalisation », mission originelle du FPRNM. La Cour avait déjà émis des critiques sur les conditions de mise en œuvre des délocalisations à la suite de la tempête Xynthia. Après l’examen de nombreux dossiers d’indemnisation dans plusieurs régions, elle constate la persistance de certaines dérives et une hétérogénéité marquée des pratiques, à l’origine d’inégalités de traitement entre citoyens, voire de surcoûts injustifiés. La Cour a notamment identifié des cas de rachats de biens dans des conditions critiquables. En particulier, le code de l’environnement pose comme condition à une acquisition amiable que le bien soit préalablement assuré, ce qui se justifie par le fait que le FPRNM est financé par un prélèvement sur les primes d’assurance.
Or, dans un certain nombre de cas, cette règle n’a pas été respectée. Cette prise en charge par le FPRNM de biens non assurés constitue un effet d’aubaine pour les bénéficiaires. Elle représente aussi un coût injustifié pour la collectivité puisque, d’une part, les propriétaires de ces biens n’ont pas contribué au financement du FPRNM. D’autre part, aucune indemnité d’assurance ne peut être déduite du coût de rachat. De même, déclarer éligible à une acquisition amiable un bien qui n’est assuré qu ‘à compter de la demande de rachat est contraire à l’esprit du dispositif. Finalement, l’État acquiert, à un prix supérieur au prix du marché, des biens qui ont en réalité perdu toute valeur et qui ne peuvent faire l’objet d’aucune valorisation en raison de la dangerosité de la zone.

Des biens pas toujours conformes
En outre, la prise en compte, pour le calcul de la valeur du bien, des améliorations résultant de travaux illégaux ou non conformes aux règles d’urbanisme, revient à conférer un avantage financier indu aux propriétaires ayant commis une infraction aux règles d’urbanisme, voire ayant manqué à leurs obligations fiscales. Dans son rapport public thématique de 2012, la Cour avait déjà souligné que les services de l’État n’avaient pas procédé à un contrôle systématique de la situation des biens en matière d’urbanisme s’agissant de rachats amiables à la suite de Xynthia. La Cour regrettait cette absence de contrôle qui prive l’État d’un instrument de dissuasion des constructions illégales, notamment dans les zones les plus dangereuses.

Trois recommandations de la Cour
Au vu de ces observations, la Cour formule trois recommandations. Tout d’abord, elle suggère de subordonner tout nouvel élargissement des missions du FPRNM à une évaluation précise du coût de la mesure et de son impact sur la soutenabilité des engagements du fonds. L’idée étant de ne pas dépenser plus que ce que détient le fonds. Seconde recommandation : simplifier le mode de gestion du FPRNM et clarifier les responsabilités des différents acteurs dans des conditions conformes aux règles de la comptabilité publique, notamment avec la désignation d’un comptable assignataire. Enfin il s’agira de redéfinir la procédure de délocalisation et les conditions d’indemnisation en excluant du bénéfice du FPRNM, les biens non assurés ou illégaux.

© Erick Haehnsen

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