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Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

Flavien Viguier (SNCF) « Notre flotte de drones comprend une dizaine d'appareils »

Interview du responsable technique au Pôle Drones de la Direction Ingénierie et Projets de la SNCF. Pour accomplir ses tâches de surveillance et de maintenance, l'opérateur ferroviaire dispose de sa propre équipe de spécialistes drone et d'une flotte d’aéronefs télépilotés déployés au service de ses clients.

La SNCF peut se prévaloir d’une longue expérience en matière de drones. Les premiers tests ont démarré dès 2003 mais ils sont restés en stand-by, jusqu’en 2011, en raison d’un manque de maturité technologique. En 2012, année de parution de la première version de la réglementation, la SNCF a acquis son premier drone et a démarré un travail de réflexion et d’expérimentation en collaboration avec des écoles, des fabricants français de drones et la Direction générale de l’aviation civile (DGAC).

La SNCF a acquis son premier drone en 2012. Depuis cette date, quels usages avez-vous développés ?

Notre flotte est affectée à la surveillance du réseau pour prévenir des actes de malveillance ou fournir des données précises nécessaires à la maintenance. Cela consiste, entre autres, à inspecter les caténaires et les abords du chemin de fer afin de suivre et contrôler la végétation et les parois rocheuses. Nous recourons également aux drones pour assister les experts métier dans leur mission de contrôle de l’état des ponts, viaducs et autres ouvrages d’art. Il s’agit aussi de vérifier l’intégrité des charpentes de toitures et verrières de gares, etc. Les appareils servent aussi à détecter rapidement des obstacles ou des avaries sur la voie en cas d’intempéries ou d’actes malveillants.
Qu’en est-il de la lutte contre le vol sur vos installations ?

Notre réseau ferré est constitué de 30.000 km de lignes. Les drones sont utilisés principalement la nuit afin d’empêcher la présence de personnes sur les voies ou lutter contre le vol de métaux. Nos drones n’interviennent pas seuls mais en appui de nos équipes de la sûreté ferroviaires.
Ces opérations sont en général programmées à l’avance. Comme les vols de nuit sont interdits en France, il est nécessaire d’obtenir des dérogations auprès de la DGAC nécessaire. Un délai de plusieurs semaines est en général requis.

Vol de nuit. © SNCF / Pierre-Antoine Pluque
Vol de nuit. © SNCF / Pierre-Antoine Pluque

Quels sont les moyens humains et matériels dont vous disposez pour réaliser ces différentes missions ?

D’abord, nous avons créé dès 2013 une équipe dédiée aux drones qui comprend aujourd’hui une vingtaine de spécialistes dont des ingénieurs en cartographie et en géophysique mais aussi en Data Mining (NDLR technique de collecte et d’analyse de données informatiques). Sans oublier les pilotes de drones S4 habilités à réaliser des missions hors vue et qui sont formés à l’utilisation des capteurs d’acquisition de données. Tels que des appareils photo, caméras vidéo, radars classiques ou laser Lidar (Light Detection And Ranging), etc. Chaque drone embarque lors de ses vols un ou plusieurs de ces capteurs.

Avec quels type d’appareils accomplissez-vous vos missions ?
 
Notre flotte est constituée d’une dizaine de drones allant de 2 à 125 kg. Une partie concerne des appareils multirotors ou multicoptères (NDLR à plusieurs hélices) à voilure tournante et les autres sont des drones à voilures fixes. Dans le premier cas, nous disposons d’hélicoptères, de quadricoptères et d’octocoptères. Leur capacité à accomplir des vols lents et stationnaires leur permet de réaliser des missions d’inspection d’une autonomie de 15 minutes. Certains de ces appareils sont fournis par Ascending Technologies, un constructeur allemand. Pour nos missions de surveillance, nous utilisons des drones avion à voilure fixe. Comme le DT 18, un appareil de 2 kg construit par le toulousain Delair-Tech. Il dispose d’une autonomie de 1h30 qui varie selon la météo et il opère sur un rayon d’action pouvant atteindre 100 kilomètres. Il sert notamment à la réalisation d’études topographiques de terrain ou encore à surveillance de la croissance des végétaux abords des voies.

Des télépilotes de la SNCF.
© SNCF
Des télépilotes de la SNCF.
© SNCF

Quels drones utilisez-vous pour vos missions de détection ?

Enfin, pour détecter les intrusions, nous utilisons de plus gros drones. Comme le DT 26 également fourni par Delair-Tech. Ce drone avion d’une envergure de 3,30 mètres pèse environ 13 kg. Il dispose d’une autonomie de 2h. Il embarque une caméra jour/nuit de manière à faire des vols de nuit. Ce drone est piloté depuis un véhicule tactique d’intervention, spécialement conçu par les équipes SNCF, par un télépilote expert qui assure la sécurité du vol (plan de vol, …). Un spécialiste en traitement d’images assure en parallèle l’analyse des données et la détection de toute anomalie. Enfin, nous disposons de Nanodrones exploités par la Direction de la sûreté. Ils ne pèsent que 18 grammes pour une autonomie de 25 minutes et offrent une très grande réactivité car ils se déploient en moins de 5 minutes.

La réglementation des drones est-elle un frein au développement du marché ?

Pas du tout, c’est plutôt une force. Elle nous permet d’avancer dans le sens d’une plus grande sécurité des appareils. C’est indispensable pour que le drone puisse évoluer dans un environnement qui lui est inconnu. La réglementation va nous permettre d’avoir un niveau de sécurité intrinsèque pour prévenir le risque vis-à-vis des personnes au sol et des autres usagers de l’espace aérien. Il existe des travaux en cours sur les processus de certification des systèmes de drones mais qui ne devraient pas aboutir avant 2020. *

Pilote dans le véhicule tactique.
© SNCF / Pierre-Antoine Pluque
Pilote dans le véhicule tactique.
© SNCF / Pierre-Antoine Pluque

Vous avez noué un partenariat de recherche avec l’Onera. Sur quoi phosphorez-vous ?

Avec l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), nous menons plusieurs travaux de recherche. L’un d’eux vise à anticiper les évolutions réglementaires. Dans cette perspective, nous simulons des missions qui visent à identifier les risques potentiels et donc à les anticiper. Nous travaillons aussi sur l’intelligence des drones. L’un des enjeux est qu’ils puissent réaliser de manière autonome des missions d’inspection très complexes aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des bâtiments, tout en requérant un minimum d’intervention humaine. Nous travaillons dans cette perspective à améliorer les capteurs et le traitement des données pour optimiser la précision de nos drones et donc la qualité du service ferroviaire.

Propos recueillis par Eliane Kan

* Le scénario dit S4 défini par la réglementation autorise les pilotes à réaliser des relevés, prises de vues, observations et surveillances aériennes hors vue directe et zone peuplée.

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