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Cyberprévention

ePrivacy : le projet de loi qui suscite le tollé général des médias européens

À l’origine, ce projet de loi européen vise à protéger les données personnelles des citoyens, dans le sillage du RGPD. Problème : il risque surtout de favoriser les Gafa au détriment des médias et des sociétés de technologie européennes.

Médias, Telcos et Adtech européens se mobilisent ce mercredi 7 mars contre le projet de règlement européen ePrivacy qui, comme son nom l’indique, traite des données personnelles des internautes. L’Europe a déjà renforcé la protection des données des citoyens du Vieux continent au travers du Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) qui entrera en vigueur le 25 mai prochain. Avec ePrivacy, les citoyens européens aboutiraient à une situation absurde : Facebook, Google, Amazon et Microsoft (Gafa) auraient un quasi-monopole sur ces données. Au détriment des médias et des sociétés de technologie européennes. 

Lettre ouverte des médias dans 19 pays de l’UE

Après une première lettre ouverte publiée en mai 2017, la presse européenne « appelle les décideurs politiques à revoir le projet de règlement ePrivacy » dans une nouvelle tribune, mise en ligne mercredi dans 19 pays de l’Union. La mobilisation a gagné en ampleur. Désormais, l’ensemble des organisations représentatives de la presse écrite en Europe fait partie des signataires, tout comme des groupes audiovisuels (TF1, BFMTV), digitaux (Webedia), télécoms (Orange, SFR, Bouygues) ou des acteurs de la publicité en ligne (IAB, SRI, Teads, Criteo…). Au total, 50 sociétés ont apporté leur signature. 

Une menace pour le journalisme européen

ePrivacy vise à donner aux citoyens européens le contrôle sur l’utilisation de leurs données de navigation sur Internet. Leur consentement serait demandé non pas site par site mais une fois pour toutes lors de la première connexion à un navigateur Internet. Une catastrophe aux yeux des médias et du secteur de la publicité. Cette industrie craint donc que les internautes européens, au nom de la légitime protection de leur vie privée, refusent en bloc toute utilisation de leurs données. Or ces données anonymisées servent à proposer des annonces ciblées aux internautes, donc plus efficaces et mieux rémunérées. Tout un pan de l’économie des médias risque donc de s’effondrer, entraînant avec elle les acteurs du ciblage publicitaire, comme Criteo… Selon une étude Deloitte citée par le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), ePrivacy sera responsable de la chute de 30 % des revenus de cette famille de presse à l’horizon 2020. « Le règlement diminuera l’investissement possible dans un journalisme de qualité partout en Europe », souligne la lettre ouverte. Privés de données, les éditeurs seraient aussi entravés dans leur volonté de bâtir des offres éditoriales les mieux adaptées à chaque profil de lecteurs.

Les Gafa favorisés

La lettre argue également que ePrivacy « renforcera les positions des acteurs déjà dominants de l’économie de la donnée », à savoir les Gafa qui seront moins pénalisés par le blocage des traceurs et cookies publicitaires. Leurs utilisateurs ont déjà donné leur consentement au traitement de leurs données en l’échange de l’accès à leurs services. Grâce à ces créations de comptes, les Gafa détiennent donc de riches bases de données (civilité, historique d’achats, goûts, localisation…). L’Autorité de la concurrence alerte sur le « désavantage » dont vont souffrir les acteurs digitaux qui n’exigent pas de création de comptes, comme les sites gratuits des médias. Elle appelle à ce que le consentement des internautes soit recueilli site par site, afin que chacun ait la possibilité de s’expliquer sur l’importance du recueil des données. Adoptée cet été par le Parlement européen, a loi ePrivacy est actuellement entre les mains du Conseil de l’Union européenne. Chaque État membre devra remettre son avis sur le texte. La position officielle de la France n’est pas encore connue. « Le marché unique numérique mérite mieux qu’un texte aux effets de bord massifs et incontrôlés », affirment les signataires de la lettre ouverte.

Erick Haehnsen

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