Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Drogues au travail : les nouvelles règles du partage des responsabilités

Cannabis, cocaïne, héroïne, ecstasy, amphétamines… Lorsqu’un salarié se drogue et provoque un accident grave, la responsabilité de l’employeur est engagée. Pour réduire ce risque, les entreprises sont tenues de mettre en place des plans de prévention.

En France, 17 millions de personnes ont expérimenté le cannabis, 2,2 millions la cocaïne, 1,7 million l’ecstasy et 600 000 l’héroïne, selon le baromètre santé 2014 (dernier en date) de l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES) et de l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT). Près de 1,4 million de personnes fument du cannabis régulièrement et 700 000 quotidiennement. « Les substances psychoactives (SPA) sont susceptibles d’avoir un impact sur la vie professionnelle des salariés. Comme les pertes de production, l’absentéisme, la dégradation de la santé des salariés et des relations entre collaborateurs. Ces SPA sont aussi susceptibles d’engager la responsabilité de l’entreprise en cas d’accident grave », explique Édouard Rauline, DG de Medisur, spécialisée dans la prévention et les autotests de santé. Tous les secteurs d’activité, tous les échelons de l’entreprise sont concernés.

Être témoin suffit à être poursuivi
Depuis la directive-cadre européenne de 1989 sur la sécurité et la santé au travail, traduite en droit français dans la loi du 31 décembre 1991, la responsabilité civile et pénale du dirigeant d’entreprise est engagée lorsqu’un salarié subit ou provoque un accident grave – voire mortel. D’autant que les assureurs ne couvrent pas le risque en cas de consommation de SPA. Bref, le salarié se shoote, le patron trinque ! « Les drogues s’éliminent très lentement. 48 heures sont nécessaires à un fumeur occasionnel qui a tiré trois taffes sur un joint, au moins trois semaines à un gros fumeur, indique Marc Élie, président de l’association L’effet domino, spécialisée dans l’accompagnement des personnes souffrant d’addictions. Qui plus est, si un salarié voit son collègue consommer une drogue avant que ce dernier ne provoque un accident grave et s’il n’en alerte pas la direction, il peut être poursuivi pour non assistance à personne en danger… »

Modifier le règlement intérieur
« Depuis l’arrêt du Conseil d’État du 5 décembre 2016, l’employeur a l’obligation de mettre en œuvre une politique de prévention des addictions pour lever le risque pénal qui pourrait être activé en cas d’accident mortel dans l’entreprise », précise Édouard Rauline. Autrement dit, il y a un certain transfert de la responsabilité pénale de l’employeur vers le salarié consommateur de SPA à condition de prouver que tout a été mis en œuvre pour prévenir ce risque. Le plan de prévention commence par recruter un partenaire qui va sensibiliser le personnel, former les cadres et la direction puis structurer la mise en œuvre avec des objectifs de réduction. « Il faut élaborer une procédure écrite, mettre en place une négociation avec le comité social et économique (CSE), modifier le règlement intérieur », explique Bertrand Fauquenot, coordinateur national des interventions dans les entreprises à sites multiples à l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA). Par exemple, on indique clairement dans le règlement intérieur que le consommateur de SPA engage sa propre responsabilité en cas d’accident grave, qu’il est interdit de servir de l’alcool dans l’entreprise, surtout avant de prendre la route…

Contrôles inopinés
Certains acteurs de la prévention dressent une cartographie des risques SPA en organisant des contrôles à l’aide d’éthylotests et de tests salivaires (cannabis, cocaïne, héroïne, amphétamines, etc.). Dans la mesure ce sera précisé dans le règlement intérieur, l’entreprise pourra mener des contrôles inopinés. A cet égard, des managers sont formés pour faire passer les tests eux-mêmes aux membres de leur équipe. Une situation délicate : « Mieux vaut s’adresser aux sauveteurs-secouristes du travail ou à l’assistant de sécurité », conseille Bertrand Fauquenot. « Les plans de prévention sont l’occasion pour l’entreprise de réfléchir à leurs environnements de travail, estime François Auriol, responsable de la région Occitanie à l’ANPAA. Notamment pour réduire tout ce qui peut générer ou cautionner la prise de SPA. » En effet, loin d’avoir des origines purement récréatives, bien des consommations addictives peuvent être liées au besoin de trouver l’énergie nécessaire pour poursuivre son travail, endurer des douleurs ou se remettre d’un management toxique.

Erick Haehnsen

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