Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Des plantes pour mieux respirer sur les sites industriels

La start-up parisienne Phytorestore valorise une dizaine d'années de recherche en biologie et agronomie dans des jardins filtrants. Capables de traiter de très grandes quantités d'air pollué, ces jardins améliorent la santé au travail sur les sites industriels.

Benzènes, hydrocarbures, composés organiques volatils (COV), sulfure d’hydrogène… ThierryJacquet, architecte paysagiste de formation et PDG de la start-up parisienne Phytorestore, 1er prix du concours Green Building 2014, est passé maître dans l’art de dépolluer l’air des sites industriels grâce aux plantes : « Il ne s’agit pas de transférer la pollution dans les plantes, souligne-t-il. Nous avons élaboré des systèmes de jardins filtrants à base de carex, sorgho, canne à sucre, canne européenne, stipa… Ces plantes graminées développent une grande masse racinaire. C’est cette masse qui émet de l’oxygène et des acides aminés capables de casser les chaînes moléculaires afin de dégrader les polluants. »

Installations compactes et rustiques. Toute l’astuce consiste à faire passer les polluants au travers d’ouvrages paysagers, à savoir des jardins suspendus ou des couvertures de terrasses végétalisées afin de piéger les substances nocives ou nauséabondes dans les racines. Et les résultats d’être au rendez-vous ! « Fonctionnant 24h/24, les installations sont très compactes, de 100 à 2.000 m2 selon la charge de pollution. Par exemple, dans une usine de pâte à papier, nous désodorisons le sulfure d’hydrogène [qui sent les œufs pourris, NDLR] à hauteur de 50.000 m3/h avec un jardin d’une surface de 1.000 m2 pour un coût initial de 40 à 50.000 euros. Le tout sans addictif ni produit chimique. C’est très rustique, reprend le PDG de Phytorestore, créée en 2004, qui, avec une trentaine de salariés, réalise un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros en France et possède des filiales en Chine et au Brésil. On obtient une performance de l’ordre de 99% d’abattement en 1 à 2 secondes, tout juste le temps de traverser le filtre. »

Protéger la plante pour maintenir son efficacité. On s’en doute, ces résultats ne doivent rien au hasard. Après 10 ans de R&D, les chercheurs de Phytorestore ont sélectionné les plantes les plus adéquates, élaboré un substrat (breveté) qui permet aux racines de se développer et maîtrisé des processus complexes comme la phytolixiviation (lessivage des substances nocives), la phytodégradation et la phytoséquestration. « L’idée, c’est bien de protéger la plante afin qu’elle perdure et de maintenir le substrat opérationnel afin que la masse racinaire se développe et reste humide », poursuit Thierry Jacquet qui installe chaque mois un jardin filtrant afin de développer la santé au travail sur des sites industriels. Citons, notamment, des sites d’hydrocarbures, des sites qui rejettent des COV, l’usine Acetex près de Pau qui fabrique du vinaigre industriel et de l’aspirine ainsi que qu’un immeuble tertiaire de Bouygues Télécom dont le toit végétalisé filtre les vapeurs de cuisine de la cantine. A l’heure actuelle, un jardin filtrant est en cours d’expérimentation pour dépolluer l’air d’un tunnel autoroutier en région parisienne à hauteur de 100.000 m3/h. Un chantier suivi notamment par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’Institut national de recherche agronomique (Inra) et le ministère en charge de l’Equipement.

A la recherche d’un nouveau Business Model. Consacrant 20% de son chiffre d’affaires en R&D, cette Jeune entreprise innovante (JEI) fait partie du consortium européen de recherche Biomasse for Future (30 millions d’euros) qui phosphore sur les  »biotechnologies blanches », c’est-à-dire des biotechnologies qui valorisent la biomasse à très hauts volumes. « Il faut dire que, depuis 2007, nous sommes perçus comme un surcoût, reconnaît Thierry Jacquet qui possède sa propre bioferme d’une capacité de 400.000 plantes par an. Nous travaillons donc sur l’idée que la valorisation industrielle des plantes va très fortement diminuer le coût de la dépollution. » A quand le traitement de l’air du périphérique et du métro parisiens ?

Erick Haehnsen

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