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Santé et qualité de vie au travail

Depuis une douzaine d'années, l'absentéisme s’envole en France

Dues à l’intensification des tâches et aux mauvaises conditions de travail, les affections physiques et mentales contribuent à la montée de l’absentéisme, selon les différentes études parues cette année. Tous les métiers et les tranches d’âge sont impactés. Notamment les moins de 34 ans, les cadres et les seniors.

Touchant désormais près d’un salarié sur deux, l’absentéisme s’envole depuis douze ans. En effet, le nombre moyen de jours d’absence par salarié passe de 14 jours en 2011 à 24,5 jours en 2022, soit une augmentation de 75 % selon le baromètre du cabinet d’études Ayming et l’assureur AG2R La Mondiale. Révélé ce lundi, celui-ci évalue le taux d’absentéisme de 2022 à 6,70 % en hausse de 8 %. Ce qui représente l’équivalent de 7 salariés à taux plein pour une entreprise de 100 personnes. Et à l’échelle de la population active, cela représenterait 1,5 million de collaborateurs absents toute l’année.

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L’absentéisme touche près d’un salarié sur deux. © Axa France

Impact du métier sur la santé physique et mentale

Ce baromètre complète les différentes études publiées récemment par les assureurs Axa France, Malakoff-Humanis ou encore par le groupe Diot-Siaci, spécialiste du conseil et du courtage en assurance de biens et de personnes en collaboration avec Ifop, l’institut de sondage et d’opinions. Ce tandem exploite deux types de données. Celle d’une enquête conjointe menée l’an dernier auprès de 3 000 salariés complétées par les données fournies par l’Observatoire statistique du groupe Diot-Siaci. La période concernée, celle de 2019 à 2022, couvre 660 000 individus en 2022. Selon leur étude, 45 % des salariés en CDI ou CDD ont été absents au moins une fois au cours de l’année contre 35 % en 2021. Point important, l’absentéisme pour des raisons autres que la santé recule avec 16 % des salariés arrêtés en 2022, soit 7 points de moins qu’en 2021. Concernant l’absentéisme dit « de complaisance », 2 % seulement des salariés déclarent avoir été arrêtés en 2022 pour convenance personnelle ou suite à des congés refusés. Selon les salariés interrogés, l’absentéisme a pour principale racine l’impact négatif du métier sur la santé physique (52 %) mais aussi sur la santé mentale (62 %). Sur ce second point, les principales causes invoquées étant notamment les situations de stress (67 %), une charge de travail trop importante (51 %) ou encore un manque de reconnaissance (46 %).

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La tranche d’âge des moins de 34 ans fait partie des plus touchées par l’absentéisme. © Christian Erfurt / Unsplash

Allongement des arrêts longs

Cette étude est en phase avec le 8ème baromètre sur l’absentéisme de l’assureur Malakoff Humanis réalisé par l’Ifop auprès de 2 000 salariés. Dévoilé en début de mois, celui-ci montre que 50 % des salariés ont été arrêtés au moins une fois en 2022 contre 42 % précédemment. L’étude montre que, tous motifs confondus, la durée moyenne des arrêts longs a progressé passant de 97 jours en 2022 à 111 jours. Principales causes d’arrêt, les maladies ordinaires (28 %), le Covid (17 %), les troubles psychiques (15 %) et les troubles musculo-squelettiques (13 %) qui constituent pour cet assureur la principale cause des arrêts de plus de 30 jours. En terme d’arrêts longs, les troubles psychologiques ont triplé en l’espace de trois ans atteignant 32 % contre 14 % en 2020. Selon les salariés interrogés, ces arrêts sont avant tout liés au travail. L’absentéisme a d’ailleurs surtout progressé chez les jeunes de moins de 34 ans. Ils sont 52 % à avoir été arrêtés deux fois ou plus, un chiffre en augmentation de 10 points. En 2022, 53 % ont été arrêtés au moins une journée. Soit une hausse de 13 points par rapport à 2021. La moitié des managers concernés se disent stressés du fait de la difficulté à gérer les priorités ou de l’empiétement de la vie professionnelle sur la vie personnelle. A cela s’ajoute le fait qu’ils sont doublement concernés par l’absentéisme puisqu’ils doivent gérer celui de leurs collaborateurs. 60 % déclarent ainsi qu’ils seraient preneurs de formation pour le prévenir. En outre, plus d’un cadre sur 10 (13 %) se font aider par des professionnels de la santé mentale pour gérer leur stress et leur mal-être.

Des secteurs davantage impactés

En matière d’absentéisme, tous les secteurs ne sont pas touchés de la même manière, selon l’étude du cabinet de courtier et conseil WTW France qui réalise chaque année une étude sur le sujet. Celle de 2022 (l’étude 2023 n’est pas encore parue) enregistrait une montée de 15 % entre 2019 et 2021 et de 37 % depuis 2017. Réalisée sur un panel de 633 sociétés représentant près de 34 000 salariés en 2021, l’enquête montre que tous les secteurs ne sont pas impactés de la même manière. Les plus touchés étant la santé, le transport et la logistique, le commerce et la grande distribution. Et ce, contrairement à l’immobilier, la communication et le secteur du numérique. Au niveau régional, l’absentéisme est plus marqué dans le Grand-Est, la Bourgogne-Franche-Comté et les Hauts-de-France comparativement à l’Occitanie, Bretagne, et l’Île-de-France. Notons enfin que l’absentéisme est moins marqué chez les hommes (4 %) que chez les femmes (5,8 %) qui doivent en outre faire face à des problématiques familiales.

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Géraldine Mandefield, dirigeante de Verbateam.

400 millions de données analysées

L’exploitation de ce type de données intéresse de près les entreprises qui sont de plus en plus nombreuses à mettre en place un dispositif de prévention et d’accompagnement des arrêts maladies. Un besoin détecté par Axa France qui présente cette année son 4ème Datascope consacré à ce sujet. Cet observatoire s’appuie sur 400 millions de données mensuelles anonymisées issues de son portefeuille de 3 millions de salariés. Pour 2022, ce dernier enregistre une flambée des arrêts de courte durée et situe le taux d’absentéisme à 4,5 % contre 3,2 % en 2019. A l’instar de ses confrères, il montre que toutes les tranches d’âge sont concernées et particulièrement le segment des séniors marqué par le plus fort taux d’absentéisme. Toutefois, à la différence des autres études, celle d’Axa France prévoit que l’absentéisme va refluer légèrement en 2023 et s’élèverait entre 3,75 %et 4,40 %. Des projections qui s’appuient sur les modèles prédictifs développés par l’assureur.

Service de prévention et de remédiation

Pour aider les entreprises à prévenir l’absentéisme, l’assureur a créé en 2022 une filiale spécialisée dans la prévention santé en entreprise. Cette entreprise compte d’une quinzaine de personnes, parmi lesquels des experts RH, médecins conseils ainsi que des Data Scientists. « Notre offre apporte aux employeurs une radiographie de l’état de santé de leurs collaborateurs sous l’angle de l’absentéisme ou de la santé globale afin de les aider à élaborer des plans d’action et de remédiation », indique Géraldine Mandefield, dirigeante et de Verbateam. Concrètement, la société réalise un diagnostic en passant au crible les déclarations sociales nominatives (DSN) qui sont préalablement anonymisées. Ces données permettent de comparer l’absentéisme de ses entreprises clientes avec celui des autres organisations de leur secteur, sachant qu’Axa France dispose, rappelons-le, des données de 3 millions de salariés couverts par Axa et répartis dans plus de 25 secteurs d’activités. De quoi mieux comprendre les foyers d’absentéisme et les endiguer par des plans de remédiation.

Eliane Kan

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