Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Christine Martin-Cocher (Aravis) : « La pénibilité peut exister dans tous les métiers de l'entreprise »

Interview de la chargée de mission responsable du projet Allongement de la vie professionnelle et prévention de l’usure chez Aravis (Agence Rhône-Alpes pour la valorisation de l’innovation sociale et l’amélioration des conditions de travail), membre du réseau Anact-Aract.

Pourquoi est il si important de s’intéresser à l’usure professionnelle ?

 

 

Avec l’allongement des carrières, une personne de 50 ans a encore devant elle 30% de son parcours professionnel. Or, parmi les personnes de 55-64 ans qui se trouvent aujourd’hui hors de la vie active, plus de 30% sont en inaptitude ou en arrêt pour des raisons médicales. La prévention de l’usure est donc essentielle pour assurer la performance des entreprises et permettre aux salariés de rester en bonne santé, compétents et motivés jusqu’au bout de leur carrière. En complément de la prise en compte de facteurs de pénibilité identifiés par la loi, une telle démarche invite les entreprises à adopter une approche large pour identifier ce qui peut créer de l’usure professionnelle et ce qui peut rendre le travail soutenable en agissant à la fois sur la prévention des risques et la construction des parcours.


 

Par quels signes ce phénomène s’exprime-t-il et qu’elles en sont les causes ?

L’usure professionnelle est un processus d’altération de la santé dû au travail et qui s’installe dans le temps, en fonction des parcours professionnels des salariés, des contraintes et des risques auxquels ils sont exposés. En production, dans les ateliers, les facteurs d’usure liés au travail sont plus visibles, ils se traduisent par des Troubles musculosquelettiques (TMS), des accidents du travail et des problèmes de santé. En revanche, dans les autres services et départements, les facteurs d’usure peuvent être plus difficiles à identifier. Ils peuvent se traduire par une charge mentale trop importante, lorsque l’on a une multiplicité de taches à accomplir, par du stress lié par exemple aux difficultés relationnelles avec la clientèle… mais aussi par une certaine démotivation quand les salariés ne se sentent pas assez soutenus, reconnus ou ne sont pas en mesure d’accomplir correctement leur travail. Pour les entreprises, les conséquences sont importantes : absentéisme, perturbations de la production, problèmes de qualité, baisse de la performance économique…

Quelles démarches avez-vous mises en œuvre et avec quels résultats ?

Nous travaillons depuis plusieurs années sur ce sujet. Dernièrement, un partenariat nous a permis d’expérimenter des méthodes et outils auprès de 5 entreprises du réseau Malakoff-Médéric. Celles-ci ont bénéficié de 10 jours d’accompagnement pendant environ 18 mois pour mettre en place une démarche de prévention globale et participative. Dans chacune, nous avons identifié, les facteurs d’usure par métier, service et département et fait apparaître parfois des pénibilités insoupçonnées. Une fois ce diagnostic réalisé avec les salariés, les managers et la direction, les groupes projets ont élaboré un plan d’action global articulant des actions de prévention des risques professionnels et de GRH (gestion des parcours, des compétences combinant l’évolution des besoins et des ressources de l’entreprise et des salariés…). Des leviers qui sont trop rarement actionnés de manière simultanée.

Le premier résultat visible concerne l’amélioration des relations sociales et du dialogue social. Le fait d’avoir un intervenant extérieur animateur des échanges, garantit la qualité des expressions et permet de redonner du sens commun, en partant des questions liées au travail. De telles démarches sont l’occasion de rechercher les moyens pour que l’entreprise atteigne ses objectifs tout en améliorant les conditions dans lesquelles le travail est réalisé.

Quels sont les premiers enseignements de ces expérimentations ?

La pénibilité peut exister dans tous les métiers à l’intérieur d’une même entreprise, à différents niveaux et sur différents registres. Quels que soient le service et le travail exercés, l’usure professionnelle est souvent liée à l’organisation du travail, au manque de communication ou à un mode de management directif qui génère des pressions et occulte les conditions de travail.

Quelles suites avez-vous données à ces expérimentations ?

 

 

Durant le déroulement de ces expérimentations, nous avons entamé la rédaction du guide Prév’up qui propose aux DRH, employeurs et représentants des salariés des actions pratiques pour prévenir l’usure professionnelle dans le cadre d’une approche de prévention globale. Ce guide est disponible gratuitement en téléchargement sur notre site. Par ailleurs nous participons avec d’autres acteurs régionaux (la Carsat, Rhône Alpes Gourmand) à une action collective « santé et performance dans l’agroalimentaire en Rhône-Alpes » dans laquelle 12 entreprises sont impliquées. Une occasion de croiser la démarche de prévention de l’usure avec les approches centrées sur la recherche de performance économique. L’objectif étant que les entreprises s’emparent de ces deux dimensions dans le même mouvement.

Propos recueillis par Eliane Kan

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