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Sûreté et sécurité

Caméras intelligentes et algorithmes prédictifs vont mettre des agents de sécurité au chômage

La vision technologique du secteur de la sécurité privée conduit le patron de Securitas, Alf Göransson, à prédire des coupes sombres dans les effectifs durant la prochaine décennie. L'An2V et USP Protec réagissent.

Interrogé par l’AFP et repris par le site Arte.tv, Alf Göransson, PDG du groupe suédois Securitas depuis 10 ans, estime que l’avenir est aux caméras intelligentes et aux algorithmes prédictifs. A l’instar des autres secteurs de l’industrie de labeur (qui emploie beaucoup de main d’œuvre), le numéro un de la sécurité privée en Europe et en Amérique du nord prévoit que l’évolution technologique entraînera fatalement la disparition de milliers d’entreprises et d’emplois. « Dans dix ans, cette industrie comptera moins d’employés qu’aujourd’hui », lance-t-il tout de go, sans plus de précision.

Être secouru en 3 à 5 minutes deviendra la norme

Reconnaissance faciale et détection des comportements suspects, « nous pouvons utiliser des caméras intelligentes pour détecter le crime avant qu’il ne se produise », affirme-t-il. Pas sûr qu’on en soit déjà là. « Je suis partiellement d’accord avec lui [Alf Göransson ]. Il est clair que réagir en temps réel ou sur des signaux plus ou moins faibles permet d’anticiper une catastrophe, du simple cambriolage jusqu’au terrorisme, explique Dominique Legrand, président de l’Association nationale de la vidéoprotection (AN2V). Mais, dès lors qu’un événement est détecté, il faut surtout aller au plus vite sur le lieu de l’événement pour le stopper ou, au moins, lever le doute. A mon avis, il n’est pas évident qu’il faille quantitativement ôter des hommes sur le terrain. Peut-être même au contraire. » A l’avenir, plus personne ne tolérera de ne pas avoir été secouru sous 3 à 5 minutes si les caméras intelligentes et les algorithmes prédictifs deviennent la norme. Ce qui n’est pas forcément incompatible avec des effectifs bien réels.

Des algorithmes pour éviter les patrouilles inutiles
« Si vous pouvez empêcher un meurtre, un viol ou un attentat simplement en vous servant de la technologie, à mon avis, c’est bien, insiste Alf Göransson. La tendance en Europe et en Amérique du nord est d’autoriser de plus en plus de caméras afin de réduire la criminalité. La prochaine étape consistera à utiliser les données historiques, l’intelligence numérique et, avec un algorithme, vous pourrez prédire ce qui va se passer dans le futur. » De tels algorithmes statistiques existent déjà en Californie et en Allemagne. « Si l’ordinateur affirme qu’il est plus probable que, dans cette rue, il y aura un cambriolage le vendredi entre 16 et 18 heures, alors la police va patrouiller d’une façon spécifique. En faisant ça, vous avez réduit la criminalité de 30%. Pour le même coût, avec les mêmes personnes, juste avec plus d’intelligence » insiste le patron de Securitas. « Autrement dit, halte aux rondes inutiles et aux positions statiques. Plaçons tous les outils temps réels dans la poche des agents de sécurité privé afin que les faits délictueux diminuent et que les auteurs soient inquiétés immédiatement. Sous peine qu’ils soient accusés de « non assistance à personne à danger » ! », reprend Dominique Legrand qui estime que la présence sur le terrain répond néanmoins à une forte demande inconsciente de la population : le besoin d’être rassuré.

Changements brutaux radicaux
« Avec un tel arsenal, c’en sera bientôt fini de cette industrie basée sur la main d’œuvre où des entreprises fournissent des gardes et c’est tout. D’autant que le coût des agents augmente en même temps que la technologie devient meilleure et moins chère, poursuit Alf Göransson. On ne pourra jamais remplacer [le personnel] mais on peut optimiser l’équilibre entre personnel et technologie. Le contenu du travail sera totalement différent parce qu’il sera beaucoup plus qualifié et mieux payé. » Conséquence logique à ces  »prédictions », l’heure semble être à la purge dans la sécurité privée. « Beaucoup d’entreprises n’ont pas compris que tout cela arrive extrêmement vite. Celles qui ne conduiront pas ce changement ne survivront pas. La question est de savoir combien de temps elles survivront mais, sur le long terme, elles feront faillite, prophétise le patron de Securitas. [En Europe], il y a 41.000 sociétés de sécurité privées enregistrées, dont 4.000 en France et autant en Allemagne. Cette industrie va se consolider de façon spectaculaire durant la prochaine décennie et ça ne se fera pas par des acquisitions. »
Pour sa part, le secteur de la protection physique des personnes qui, à l’instar des autres secteurs de la sécurité, sont particulièrement concernés par les impacts socio-professionnels de la technologie. « Loin d’être un frein au développement du secteur, ces avancées vont développer une complémentarité entre l’homme et la technologie qui va offrir des services toujours plus performants, analyse Jacques Lefranc, président d’USP Protec, le nouveau syndicat de la protection physique des personnes. Après validation, les entreprises adhérentes du syndicat intègrent déjà les nouvelles technologies au service de la sûreté dans leurs offres de services. » Pour l’heure, l’USP Protec est persuadé que le développement économique de son secteur va se poursuivre. « Mais, ajoute son président, nous comprenons les inquiétudes, en termes d’emploi, des autres secteurs de la sécurité. »

Erick Haehnsen

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