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Jamal Labed (EasyVista) : « Des Chief Happiness Officer pour fidéliser les salariés du Digital »

Interview de Jamal Labed, co-fondateur d'EasyVista, spécialiste des solutions de service management pour les services informatiques. Ce dernier nous parle de "Happy Management" et de bien-être au travail. Selon lui, la Digital Workplace contribue à séduire et fidéliser les salariés de demain.

Comment les nouvelles pratiques générées par le numérique vont-elles modifier les entreprises ?
En 2025, 75% de la population active sera composée de « digital natives ». Adeptes du télétravail ou des tiers lieux, les nouvelles générations font naître de nouvelles pratiques dont le dénominateur commun est la technologie. Privilégiant l’innovation, le partage et la mobilité, leur arrivée dans l’entreprise remet en question son organisation traditionnellement pyramidale et en silos. Leurs pratiques – mode projet, startups internes, collaboratif, etc. – sont directement inspirées du «modèle californien », poussé par le succès des licornes et des géants du web, Google en tête.
Le rapport à la technologie va-t-il modifier les critères de compétences des salariés en matière d’embauche ?
Au-delà des questions technologiques induites par ces nouvelles pratiques (dont la mobilité est aujourd’hui le principal enjeu), l’entreprise est face à un sérieux défi en matière de recrutement. D’une part, on le sait, elle éprouve aujourd’hui toutes les peines du monde à recruter les nouveaux profils qui l’aideront à matérialiser les bénéfices de la transformation digitale. Data scientists, développeurs, spécialistes de la visualisation de données, Chief data officers, Digital officers… sont les profils déjà les plus recherchés et leurs salaires atteignent des niveaux qui reflètent leur rareté.

Plus de demandes que d’offres sur le marché, des technologies incontournables un jour et complètement dépassées le lendemain… c’est la débâcle ! Comment le monde de l’enseignement qui forme les spécialistes digitaux de demain accuse-t-il le coup ?
Les formations en France peinent à suivre le rythme. Si la plupart des grandes écoles ont intégré des cursus digitaux, il faudra du temps pour qu’ils se professionnalisent et répondent aux exigences liées à ce futur du travail. Elles devront être attentives à suivre l’évolution des technologies et des usages qui en découleront. Ce qui n’est pas le plus facile car certaines technologies disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues. A l’instar, par exemple, du Wired Equivalent Privacy (WEP). D’autres deviennent progressivement obsolètes. Ainsi le mail se fait-il remplacer peu à peu par les messageries instantanées, voire les réseaux sociaux.
Du côté des recruteurs, quelles sont les répercussions ?
Non seulement les digital natives sont conscients de la rareté de leurs compétences mais, de plus, démontrent un goût certain pour le « zapping » : ils ne sont pas fidèles à leur employeur. Selon une étude de Deloitte, deux Milleniums sur trois sont convaincus qu’ils évolueront dans une autre entreprise d’ici 2020 et seulement 16% d’entre eux se voient dans la même entreprise d’ici 10 ans. Dell précise que 42% d’entre eux sont prêts à quitter leur poste s’ils considèrent que les technologies mises à leur disposition ne sont pas à la hauteur de leurs exigences. Pourtant, comme le traduit le fameux «Software eats the world » de Marc Andreessen [inventeur du premier navigateur Internet, NDLR], les entreprises seront, dans un avenir très proche, entièrement numériques. Elles doivent donc de toute urgence se demander comment recruter et fidéliser les nouvelles générations de professionnels qui les aideront à passer le gué.
Alors comment rendre l’entreprise plus « sexy » aux yeux des digital natives ? Cela pourrait-il passer par une refonte des techniques managériales ?
En effet, l’une des réponses apportées par des entreprises pionnières consiste à investir d’importants moyens pour garantir le bien-être des salariés. Les startups américaines (Zappos par exemple) ont été les premières à institutionnaliser le poste de « Chief Happiness Officer », en considérant les salariés comme des clients et en appliquant des recettes marketing pour les fidéliser. Ces rôles commencent à apparaître en France.
Finalement, si l’on considère que l’épanouissement au travail favorise la production, c’est donnant-donnant !
Toute entreprise est consciente qu’un employé heureux est un employé plus productif. L’absentéisme et les arrêts de travail diminuent alors que l’engagement et les taux de fidélité s’accroissent. Au-delà des réformes organisationnelles qu’une entreprise peut appliquer pour répondre à ces nouvelles exigences (mode projet, collaboration et décloisonnement des espaces de travail, par exemple), le digital offre les moyens d’améliorer le bien-être au travail. Car, bien plus qu’une somme d’outils, le concept de « Digital Workplace » est avant tout une stratégie couvrant l’ensemble de l’entreprise, soutenue par la direction et dont l’ambition doit être de faire converger les usages numériques personnels et professionnels afin de simplifier le quotidien des salariés.
 Ce n’est pas par hasard si Facebook lance la version professionnelle de son réseau social ou si les courbes d’adoption d’outils comme Slack ou Dropbox atteignent des sommets. L’appstore d’entreprise, les catalogues de services et bientôt les « service bots » (des «chatbots » dédiés à la relation employé) apporteront aux salariés le confort qu’ils recherchent afin de se concentrer pleinement sur leurs objectifs. Souvenez-vous : si vous ne donnez pas à vos salariés les outils dont ils ont besoin, au mieux ils les trouveront seuls. Et au pire, ils iront voir ailleurs. Une stratégie bien pensée de Digital Workplace étayant une politique d’Happy Management devrait, au contraire, contribuer à les retenir.

Ségolène Kahn

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