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Télétravail : mieux vaut accompagner les salariés plutôt que de les surveiller

C’est une véritable mise en garde. Selon l’analyste des technologies ISG Research, les entreprises qui démocratisent le télétravail courent de grands risques à surveiller leurs employés au moyen de logiciels. Plutôt que de céder à la peur, elles feraient mieux d'en passer par un accompagnement. Au menu : formations et vérifications en douceur...

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Le score d’intention d’achat pour la catégorie Surveillance à distance des employés est passé de 1 à + de 53 en six semaines après le début de la distanciation. © Score d’intention d’Aberdeen, 2020 cité par ISG Research

Malgré le déconfinement, nombreuses sont les entreprises qui ont maintenu le télétravail. Or il est difficile pour leurs dirigeants de ne pas tomber dans la crainte que leurs  employés profitent de cette situation pour « tirer au flanc ». Pour s’en assurer, certains adoptent des solutions de surveillance à distance. En témoigne l’enquête d’ISG Research réalisée sur 2 000 grandes entreprises ces dernières semaines :  leurs patrons montrent un intérêt 500 fois supérieur à la normale pour ces dispositifs qui mesurent la productivité des employés. Une augmentation inédite qui soulève quelques inquiétudes quant à l’avenir managérial des entreprises…

La surveillance au détriment de la bienveillance

Une chose est sûre, les dirigeants sont très inquiets. Ils veulent s’assurer que leurs salariés restent bien productifs en télétravail. Or ils n’adoptent pas forcément les bons réflexes. Plutôt que de rassurer leurs employés en les accompagnant avec douceur, ils préfèrent opter pour leur surveillance. Et ce, au risque de détériorer le climat de confiance instauré avec les équipes.    

Des salariés peu préparés

Il faut dire que la transition vers le télétravail est survenue brutalement. En quelques jours seulement, les entreprises ont dû basculer tous leurs postes tertiaires vers ce mode de travail. Cependant, la plupart des salariés n’en avaient pas forcément les compétences. En temps normal, les collaborateurs autorisés à travailler à distance, font l’objet d’une sélection rigoureuse. « Ces travailleurs ont vraisemblablement été sélectionnés en fonction de leurs responsabilités, de leurs exigences géographiques, de leur aptitude spécifique au travail isolé, de leur motivation et d’autres indicateurs importants pour assurer le succès des employés à distance », précise l’étude.

Une augmentation du stress

Les télétravailleurs étaient légions à ne pas être prêts. Et c’est sans compter les inquiétudes générées par cette autonomie imposée… « Les travailleurs sont soumis à un stress énorme car leurs conditions de travail sont imparfaites et leur emploi est peut-être menacé à mesure que la pandémie se prolonge », souligne l’enquête.

Un manque de visibilité sur le travail accompli

« Lorsque les employés sont au bureau, les responsables peuvent plus facilement surveiller leurs horaires de travail, leurs interactions et leur attitude générale face au travail, en plus des indicateurs clé de performance et de productivité des employés », détaille l’étude. Une organisation totalement chamboulée par l’instauration du travail à distance…

Des logiciels pour quantifier la somme de travail réalisée

De fait, les entreprises interrogées ont eu massivement recours aux logiciels de surveillance du travail à domicile des employés. Concrètement, ces solutions permettent de contrôler certains paramètres importants. Parmi eux figurent le nombre d’appels passés, la durée d’interaction avec l’interface du poste de travail. Ces logiciels calculent également la proportion de temps à naviguer sur les sites web prévus. Ou encore le temps durant lequel le logiciel de vidéosurveillance reste actif au cours d’une réunion.

Une atteinte à la vie privée

Néanmoins, cet usage oblige à une manœuvre politique délicate : comment instaurer un climat de confiance tout en annonçant aux salariés qu’ils font l’objet d’une surveillance ? D’autant que si ces derniers estiment leur vie privée lésée, ils risquent de trouver des moyens pour détourner ces logiciels.

Un climat de confiance mis à mal

Autre question importante : « Qu’est-ce qui sera révélé aux employés au sujet de la surveillance ? » se demandent les enquêteurs. Pour certains, l’alternative consiste à déployer ces logiciels sans prévenir les personnes concernées. « Ce qui soulève un ensemble de questions politiques et juridiques variables selon les pays, avertit l’étude. Plus important encore, l’utilisation de surveillance cachée peut rompre la confiance de vos collaborateurs. L’impact sur la productivité et la fidélisation peut se révéler négatif à un moment où le dirigeant a plus que jamais besoin de stabilité et de continuité. »

Vérifier en douceur

Au vu de ces risques, l’étude doute sérieusement de l’efficacité de tels systèmes. De fait, les auteurs osent recommander la bienveillance. Et ce, à travers un accompagnement en douceur mais aussi un programme fondé sur « la formation, la confiance et la vérification ». Une « stratégie solide de gestion du changement organisationnel » qui permettra d’adapter les besoins de l’entreprise à ceux des salariés.

Ségolène Kahn

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