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Santé et qualité de vie au travail

Quand drogues et travail font mauvais ménage

Alcool, cocaïne, cannabis... De plus en plus de personnes en arrivent à "se doper pour travailler", selon une enquête menée par trois chercheurs du Cnam et du CNRS.

La drogue n’est plus seulement l’apanage des « loups de Wall Street ». Un verre de whisky après une dure journée de travail, un Lexomil pour s’endormir, un joint pour évacuer le stress ou une ligne de coke pour « tenir le coup »… L’usage des drogues se banalise et se radicalise au fur et à mesure que vie privée et vie professionnelle se décloisonnent. C’est d’ailleurs le sujet d’un livre intitulé Se doper pour travailler qui vient de paraître aux éditions Eres par trois chercheurs : Renaud Crespin, chargé de recherche CNRS au Centre de sociologie des organisations (CSO), Dominique Lhuilier, professeure au centre de recherche sur le travail et le développement du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), et Gladys Lutz, ergonome et doctorante en psychologie du travail au Cnam. En toile de fond, ce sont 20 % des accidents du travail peuvent être liés aux drogues ou à l’alcool.

Le développement des conduites addictives
Selon les trois chercheurs, l’intensification du travail, sa précarisation mais aussi son individualisation conduisent de plus en plus d’employés à avoir recours à des substances psychoactives. A cela, s’ajoutent l’apparition et la multiplication des drogues (alcool, tabac, amphétamines, cannabis, cocaïne, héroïne, caféine, psychostimulants, analgésiques, médicaments psychotropes) qui apportent chacun leur lot de « consolations ». Et ce, selon quatre grandes fonctions au travail. A commencer par l’anesthésie pour tenir, calmer la douleur et tromper l’ennui. Il y a aussi la stimulation afin d’aider à garder le rythme et être plus performant. Vient ensuite la récupération surtout pour réussir à s’endormir. Et enfin l’intégration, afin de se sentir plus à l’aise avec les autres.

Prévention
Face au développement des conduites addictives chez les salariés, l’inquiétude s’insinue dans les entreprises. A cet égard, de plus en plus de directions comme de représentants du personnel se penchent sur la question de la consommation de substances psychoactives (SPA). Pourtant, selon les trois chercheurs, leur réponse sécuritaire est inadaptée. En effet le plus souvent, cette démarche qui passe par le dépistage des addictions, l’accompagnement des consommateurs, est susceptible d’aboutir à la menace de sanctions disciplinaires. « La prévention qui s’organise progressivement dans les entreprises et les administrations est basée sur l’idée maîtresse que l’usage d’alcool ou de drogues est un risque et qu’il s’agit donc de s’abstenir au travail », expliquent les auteurs.
A rebours des interdictions et des condamnations, l’ouvrage préconise de se défaire des jugements moraux et d’engager un travail réflexif sur les actions et les pratiques concrètes. Ce qui passe par une analyse des addictions au travail plus pertinente et moins fantasmée. Mais aussi par la recherche de nouvelles relations entre le travail, la santé et les usages de substances. Lesquelles, si l’on se défait de nos préjugés, pourraient s’avérer dans certaines conditions des béquilles pour avancer, mieux produire et éviter le burn-out.

Ségolène Kahn

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