Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Santé et qualité de vie au travail

Mieux accueillir au travail les personnes reconnues handicapées

A peine une personne reconnue handicapée sur trois parvient à trouver en emploi. Pourtant, les mentalités évoluent et l’intégration des personnes en situation de handicap commence à se développer. D'autant que cela concerne aussi le handicap psychique, qui touche pas moins d'une personne sur cinq.

« La loi du 10 juillet 1987 oblige les entreprises de plus de 20 salariés à employer des personnes en situation de handicap à hauteur de 6% de leurs effectifs, sous peine de devoir verser une compensation financière à l’Association nationale pour la gestion du fonds d’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH) », explique le professeur Eric Dugas, directeur de la recherche à l’École supérieure du professorat et de l’éducation à l’Université de Bordeaux et chargé de la mission handicap. On en est loin. A peine 35% des personnes reconnues handicapées sont en emploi, selon une étude de la direction des statistiques du ministère du Travail (Dares) parue en mai 2017. Et lorsque les personnes reconnues handicapées travaillent, elles occupent le plus souvent un emploi d’ouvrier non qualifié.

Manque de moyens dans les structures spécialisées en faveur du handicap
« Est-ce que Bercy roupille ? », s’interroge, ironique, Chantal Lesage de la Haye qui, malgré une surdité congénitale, a travaillé en cabinet d’avocats puis enseigné pendant 20 ans l’écoute des signaux faibles dans des écoles d’ingénieurs et à l’Université de Bordeaux avant d’être consultante en santé et qualité de vie au travail (SQVT). En effet, depuis 2014, les départements sont en charge de l’aide et du soutien aux personnes en situation de handicap. Mais leur trésorerie est à sec car Bercy n’envoie pas l’argent. Elle évoque le cas de Kevin, qui a décroché un emploi dont la prise de poste était prévue pour le 1er avril 2018. Une sacrée victoire, sachant que le chômage touche deux fois plus les personnes reconnues handicapées. Passage obligé, Kevin dépose son dossier le 22 novembre 2017 à la Maison départementale des personnes handicapées pour actualiser son taux d’invalidité (RTQH) afin de renouveler son appareillage adapté auprès du Groupement Interprofessionnel Régional pour la Promotion de l’Emploi des personnes Handicapées (Girpeh). Lequel lui donne rendez-vous… le 23 mai ! En cause, le sous-effectif de la structure ralentit considérablement le traitement des demandes. Or, sans ses équipements, Kevin ne tient pas la cadence requise par son poste. A l’issue de sa période d’essai, malgré une bonne volonté reconnue, il retourne à la case chômage.

Préparer le poste mais aussi l’équipe qui va recevoir la personne
Heureusement, les mentalités évoluent. Certains employeurs font tout pour proposer un nouveau poste adapté à leurs salariés devenus handicapés à la suite d’un accident. « En PME et TPE, de plus en plus d’employeurs demandent qu’on les accompagne pour recruter des personnes reconnues handicapées car ils en connaissent dans leur entourage, indique Mélanie Petrovic, qui dirige le cabinet MP Consulting RH. Pour passer à l’acte, on définit le cahier des charges handicap du poste avec l’AGEFIPH qui dispose d’un catalogue d’équipements adaptés et en finance une partie (à hauteur de 25% à 60%). » Ensuite, il est nécessaire de préparer les équipes qui vont accueillir la personne grâce à l’intervention d’un psychologue spécialisé. Cet expert saura, par exemple, mettre les collègues dans la situation de la personne accueillie ou tout simplement expliquer comment s’y prendre.

Le handicap psychique largement sous-évalué
« Les personnes handicapées, qui passent leur vie à s’adapter, ont la niaque des marathoniens ! insiste Chantal Lesage de la Haye. Par ailleurs, elles apportent tout ce que le clonage ne donne pas : la créativité et cette flamme qu’on ne trouve pas dans la norme. » Un point de vue partagé par Eric Dugas, qui a mis en place le Schéma directeur handicap en 2015 dans son université qui, sur 60 000 étudiants, accompagne 712 étudiants reconnus handicapés. Selon lui, « Il faut regarder les personnes reconnues handicapées non pas comme différentes mais comme singulières ». Ce regard est d’autant plus pertinent que, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne sur cinq sera touchée par un handicap psychique (dépression sévère, burn-out, schizophrénie, bipolarité, TOC, etc.). « Avec tous les psychotropes consommés en France, certaines personnes réputées performantes peuvent s’effondrer du jour au lendemain, avertit Chantal Villotta Germain, DRH à temps partagé. Les dirigeants doivent s’habituer envisager de gérer des risques psycho-sociaux parmi leurs collaborateurs – ou pour eux-mêmes. Comme ils le font pour le risque financier, industriel ou technologique. » Désormais, ces personnes peuvent être diagnostiquées, accompagnées et suivies dans des structures associatives adaptées. La question du handicap au travail nous concerne tous.

Erick Haehnsen

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