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Santé et qualité de vie au travail

Le Parlement européen veut mieux protéger les personnels de santé

12,7 millions de professionnels de santé, dont une majorité de femmes, sont potentiellement exposés à des médicaments présentant des risques CMR à la manipulation. La révision de la directive sur les agents cancérogènes devrait y mettre bon ordre.

La Commission affaires sociales du Parlement européen a voté, le 20 novembre dernier, des amendements concernant la troisième phase de la révision de la directive sur la protection des travailleurs contre les agents cancérogènes et mutagènes. Les amendements ont obtenu autour de 85% des voix. Ils résultaient de compromis négociés entre les différents groupes politiques du Parlement. Sur deux points importants, les amendements améliorent les propositions initiales présentées par la Commission européenne.

Contre les risques CMR liés à la manipulation de médicaments
Le Parlement invite la Commission à prendre une initiative législative avant la fin de l’année 2019 en ce qui concerne les médicaments cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) avec lesquels le personnel du secteur de la santé entre en contact. La Commission devrait dresser une liste des médicaments dangereux, de manière à ce qu’ils entrent dans le champ d’application de la directive, ou proposer un autre instrument législatif plus adapté. Cette question est d’une importance cruciale. On estime qu’actuellement, en Europe, environ 12,7 millions de personnes travaillant dans le secteur de la santé sont potentiellement exposées à de tels médicaments utilisés, notamment, pour les chimiothérapies. Parmi elles, plus de 7 millions d’infirmières, et en grande majorité des femmes en raison de la forte féminisation du secteur de la santé, en particulier du travail infirmier. Grâce à cet amendement, une meilleure prévention des cancers professionnels parmi les travailleuses sera enfin mise à l’ordre du jour dans la législation européenne alors que, traditionnellement, la prévention des cancers professionnels se concentre sur des professions et des secteurs où travaillent majoritairement des hommes. Le Parlement propose également de clarifier le champ d’application de la directive. L’amendement demande un renforcement de la coopération avec le Centre international de recherche sur les cancers (CIRC). Cet amendement devrait renforcer la sécurité juridique et la complémentarité entre la législation concernant la protection des travailleurs et celle qui régule le marché des produits chimiques.

VLEP : difficile de résister au lobbying
Le Parlement intervient également dans le débat sur la transparence concernant le niveau de risque associé aux valeurs-limites d’exposition professionnelle (VLEP). Il demande que le principe de précaution soit appliqué et qu’en aucun cas une VLEP ne puisse être associée à un risque supérieur à 4 cas de cancer par 10 000 travailleurs exposés tout au long de leur vie professionnelle.
Un amendement a une portée plus controversée. Il concerne le cadmium. La Commission propose une valeur-limite d’exposition professionnelle (VLEP) de 0,001 mg/m³. Cette proposition s’est heurtée à une campagne de lobbying de la part de différents secteurs industriels. Le Parlement propose d’introduire un choix entre deux options législatives pour les États-membres. Soit ils devront respecter la VLEP de 0,001 mg/m³, soit ils pourront adopter une VLEP moins protective de 0,004 mg/m³, à condition de mettre en œuvre une surveillance biologique avec une valeur-limite portant sur la concentration de cadmium dans les urines. Or, rien ne démontre que les deux options assurent un niveau de protection équivalent aux travailleurs exposés. La portée de cet amendement est d’autant plus difficile à interpréter que les deux VLEP ne sont pas formulées dans les mêmes termes : pour la deuxième option, on calculerait la fraction respirable du cadmium, tandis que pour la première option, on calculerait la fraction inhalable. L’étape suivante portera la négociation entre le Parlement et le Conseil des ministres. Le contenu final de la directive dépend d’un accord entre les deux co-législateurs. Cette négociation va démarrer rapidement sous la présidence autrichienne du Conseil des ministres. Il est probable que la directive soit adoptée dans les prochains mois.

Erick Haehnsen

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