Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

Le monde hospitalier apprend à se protéger

Entre vols et violences verbales ou physiques, l'hôpital n'est plus un sanctuaire...

A l’instar d’une école ou d’une église, un hôpital n’est pas un établissement recevant du public comme les autres. On y assure, bien évidemment, une mission de santé, mais il doit aussi – et c’est ce qui en fait un univers si particulier – être en mesure d’accueillir toute personne, quelle que soit la gravité de son état de santé et de détresse. Lieu ouvert donc par définition, par excellence, oserions-nous dire. Or, qui dit ouverture ne dit pas nécessairement « auberge espagnole ». Des drames récents ont, en effet malheureusement, démontré qu’il était nécessaire de revoir les conditions d’accueil dans les hôpitaux et la gestion du public. On ne peut plus entrer dans un établissement hospitalier comme dans un moulin à vent. Le public (patients ou simples visiteurs) vient à l’hôpital avec ses problèmes. Il n’existe plus de nos jours de sanctuaires… L’hôpital, comme l’école, s’inscrit dans un territoire, dans un espace. Sa mission d’accueil le rend plus perméable à la violence venue de l’extérieur. Depuis 2005 et la signature d’un protocole entre le ministère de la Santé et celui de l’Intérieur, les choses bougent.

Diagnostiquer et punir…

En 2005, Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, et son homologue à la Santé, Xavier Bertrand, ont signé un protocole prévoyant la réalisation de diagnostics de sécurité à mener dans les établissements hospitaliers. Diagnostics devant conjointement être réalisés par l’établissement concerné et la police. Ils ont débouché principalement sur des mesures de sécurisation allant du recours à un système de vidéosurveillance au dispositif d’appel pour travailleur isolé (Dati). Suite à ce protocole, William Besse, commissaire divisionnaire détaché au ministère de la Santé à la DHOS(1) en charge de la violence en milieu hospitalier, a pour principale mission d’assurer l’interface entre les administrations de l’Intérieur et de la Santé, tout en apportant conseils et soutien aux responsables d’établissements qui souhaitent revoir leur politique de sécurité.
Le gouvernement ne s’est pas contenté de signer un protocole. Il a également décidé d’envoyer un signal à tous ceux qui considèrent que l’on peut faire tout et n’importe quoi à l’hôpital. Ainsi, une circulaire du 11 juillet 2005 précise que tout acte de violence survenant dans un établissement doit être signalé aux Drass(2) et aux ARH(3). Si les violences physiques ou verbales sont réelles et font parfois la une des médias quand elles aboutissent à un drame, elles ne constituent cependant pas l’ordinaire du monde hospitalier. Celui-ci est aussi confronté à d’autres types d’actes de malveillance – comme les vols – qui sont beaucoup plus nombreux (cf. Paroles d’experts, plus bas).
(1) DHOS : Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins
(2) Drass : Direction régionale des affaires sanitaires et sociales.
(3) ARH : Agence régionale de l’hospitalisation.

Typologie des actes de violence, typologie des mesures

Si l’on met de côté les violences dues à des problèmes psychiatriques – qui doivent cependant être signalées –, les actes les plus nombreux sont ce qu’on appelle des incivilités, qui sont le plus souvent le fait de l’entourage des patients. On déplore aussi des actes commis par des « intrus », comme des voyous qui pénètrent dans l’hôpital pour y voler dans les bureaux, les parkings, les pharmacies ou les vestiaires. La violence à l’hôpital est diverse. Dans certains cas, la prévention suffit. Pour d’autres, la répression est nécessaire. Le dépôt de plainte doit être systématique. Aujourd’hui, un agent hospitalier est assimilé à un agent des forces de l’ordre du point de vue de la sanction encourue par l’auteur d’un acte de violence. Un message à faire passer : la fin de l’impunité.

Comment agir ?

L’action passe par une plus grande collaboration entre services de police ou gendarmerie et l’hôpital (ce que prévoit le protocole) : suivi des plaintes, mesures de prévention généralisées, mise en place et amélioration des procédures d’intervention des forces de l’ordre à l’intérieur de l’hôpital et formations des personnels hospitaliers.
Autre axe : accroître la formation des équipes de sécurité des hôpitaux qui sont généralement issues des filières de sécurité incendie pour faire en sorte que leur présence dans les établissements soit plus dissuasive pour les fauteurs de troubles éventuels.

Paroles d’experts : « Un équilibre à trouver entre l’accueil et la sécurité »

« Il ne faut pas noircir le tableau. Il existe certes des problèmes de violence, mais ils ne constituent pas le lot commun du monde hospitalier. Comme dans toute activité humaine, des drames focalisent, ponctuellement, l’attention des médias et du public », constate Gérard Browne, conseiller pour la sécurité auprès du secrétaire général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Avant d’ajouter que « quand on parle de malveillance à l’hôpital, il faut savoir que ces actes sont, dans leur grande majorité, des vols de matériels informatiques ou d’objets appartenant aux patients. Sur les quelque 3 000 faits dont nos services ont eu connaissance en 2006, 75 à 80 % sont des vols. 184 sont classifiés comme atteintes aux personnes. »
Même constat à la DHOS (voir l’interview du commissaire William Besse). En effet, comme le démontrent les statistiques officielles de l’Observatoire national de la délinquance (OND), les violences contre les personnes augmentent en France. Il n’y a, malheureusement, aucune raison pour que l’hôpital reste à l’écart d’une tendance qui concerne toute la société française. « Des comportements déviants à l’extérieur le restent à l’intérieur », rappelle William Besse. Avant d’ajouter : « Les passages à l’acte sont plus fréquents, car les agresseurs sont face à un personnel hospitalier qui a un fort seuil de tolérance. »
• « La sécurité est affaire de coût et d’équilibre »
« Nous avons renforcé la collaboration entre les forces de l’ordre et les hôpitaux de l’AP-HP, ajoute Gérard Browne. Nous avons mis en place des procédures qui nous permettent de coordonner l’action des chefs de sécurité. En outre, beaucoup de nos établissements ont décliné le protocole à l’échelon local. Ils ont organisé le passage aléatoire des patrouilles de police, défini des procédures pour faciliter les dépôts de plaintes, prévu des locaux permettant d’accueillir les fonctionnaires de police accompagnés de suspects ou de détenus, etc. Ils ont aussi fait appel à du personnel de sécurité afin d’assurer des rondes de surveillance dans les services à risques, installé des coffres-forts dans les chambres des malades, équipé le matériel informatique de câbles de sécurité, tout en les marquant. »
Comme partout ailleurs en France, à l’AP-HP, on a décidé de ne plus laisser les agressions sans suite. « Cela ne fait pas partie des risques du métier. Il faut que les agresseurs fassent l’objet d’une condamnation, affirme Gérard Browne. Il existe certes une tradition d’accueil, mais elle ne doit pas non plus être synonyme de laxisme. Nous tolérions souvent, dans les halls des hôpitaux, des sans-abri à la recherche d’un endroit chaud pendant l’hiver. Aujourd’hui, cette population a changé. Elle est plus agressive, plus violente. Ils n’hésitent plus à menacer le personnel. Les grands hôpitaux parisiens ont recruté du personnel de sécurité. Ils en emploient 170 actuellement. Mais cela a un prix. Par exemple, à la Pitié-Salpétrière où ils sont neuf, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, cela coûte 1 000 000 euros par an. Un agent de sécurité coûte entre 10 000 et 11 000 euros par mois. »
La malveillance et les violences nécessitent donc de gros efforts financiers et humains de la part du monde hospitalier. Il en va de même pour la protection incendie.

• « Il faut s’organiser et s’exercer »
« Les budgets ne sont pas toujours en adéquation avec nos besoins. On a souvent du mal dans les hôpitaux à faire ce que l’on souhaiterait ou ce qui nous semblerait le plus efficace pour assurer la sécurité de tous, regrette Dominique Cotelle, responsable sécurité des hôpitaux de Plaisir. J’ai sous ma responsabilité deux sites : l’EPS (établissement public de santé) Charcot et l’HGMS (Hôpital gérontologique et médico-social) qui est l’un des plus gros hôpitaux des Yvelines en termes de capacité d’accueil (1 080 lits). Les deux sites confondus, je dois gérer plusieurs dizaines de bâtiments, dont des pavillons d’hébergement.
Les mesures de sécurité coûtent cher, car, même si ces équipements sont partiels, il nous faut disposer d’un système de contrôle d’accès et d’une installation de vidéosurveillance partielle pour l’HGMS afin de protéger quelques locaux sensibles, comme les pharmacies, les bureaux de la direction. Nous avons également fourni aux personnels les plus exposés des portatifs Dati, qui leur permettent d’appeler en cas d’urgence un collègue des services logistiques. Je dois également assurer la sécurité incendie des deux sites avec des ERP de type U. La principale difficulté réside dans la conception de la procédure d’évacuation en cas d’urgence. La réglementation prévoit une évacuation par « transfert horizontal », où chaque étage avec chambres est divisé en deux zones, dites protégées. En cas de feu, on sera capable de transférer les lits de la zone sinistrée vers les zones protégées. Nous nous exerçons régulièrement. Environ 25 exercices fictifs par an et deux ou trois évacuations réelles par an. Nous formons aussi nos personnels au maniement des extincteurs. »
A l’hôpital local de Belleville (type U – 4e catégorie), depuis 1994, « nous avons organisé la sécurité par des programmes de formation évolutifs qui permettent, au rythme d’une formation par an, de former chaque agent. Nos avons aussi instauré une procédure de mise en sécurité horizontale avec zone de refuge ou de mise à l’abri. »

• « On manque cruellement de personnel compétent »
« J’ai le sentiment que les directeurs d’établissements ont été sensibilisés aux problèmes de sécurité ces dernières années. Non seulement suite à certains incidents graves dont la presse s’est fait l’écho, mais aussi par les notes du ministère et les modules concernant la sécurité intégrés à leur formation, nous explique Yves Bourdon, responsable sécurité de l’hôpital de Belleville-sur-Saône (Rhône).
Ils sont plus ‘’ouverts’’, si vous me passez l’expression. C’est bien dans les établissements ne disposant pas d’équipe de sécurité que la situation est la plus difficile. Le véritable problème réside plus dans la compétence, réelle ou supposée, de techniciens censés conseiller les directeurs quand ceux-ci ne disposent pas, pour les aider dans leur démarche, d’équipe de sécurité. Je regrette, aussi, que la plupart des organismes de formation, trop souvent, ne disposent pas dans leur offre de formations de l’ensemble des éléments s’adressant à des ERP n’ayant pas d’équipe de sécurité. Or, c’est dans les premières minutes d’un incident que tout se joue. Mais je sais qu’aujourd’hui, les organismes de formation travaillent afin de pouvoir réaliser des audits dans les établissements. C’est un premier pas encourageant. »

En savoir plus

Cet article est extrait du Magazine APS – numéro 158 de février 2007.
Pour plus d’information sur nos publications, contactez Juliette Bonk .

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