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Le législateur entrave-t-il la prévention du harcèlement moral ?

Malgré ses vertus de dialogue structuré et ses résultats satisfaisants, la médiation est trop peu utilisée en comparaison avec la procédure prud’hommale, explique Françoise Maréchal-Thieullent, avocate au barreau de Paris, médiateur près les Cours d'appel de Paris et de Pau, présidente de l'association de médiation Amare Médiation.

Face à la procédure prud’hommale qui est longue (15,4 mois en moyenne) et dont les résultats sont peu satisfaisants (+60% en appel), la médiation apparaît comme une solution intéressante. En effet, ce processus structuré tente volontairement de rétablir le dialogue entre les parties à l’aide d’un professionnel neutre, impartial et indépendant. De quoi aiguiller l’employeur et l’employé pour qu’ils trouvent par eux-mêmes une solution satisfaisante à leur différend. « En revanche, la médiation reste sous-utilisée. Notamment dans les conflits du travail malgré son taux d’accord (70%), son coût réduit et sa durée contrôlés par les parties », estime Françoise Maréchal-Thieullent.

Situations de harcèlement moral
Dans les situations de harcèlement moral aux répercussions délétères dans les organisations, il est ainsi prévu de mettre en place une médiation à la demande de la personne s’estimant victime ou par la personne mise en cause. Le médiateur tente alors de concilier les parties « et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime (Code du travail, art L.1152-6). Le fait de porter ou de tenter de porter atteinte à l’exercice régulier des fonctions de médiateur, prévu à l’article L. 1152-6 est puni d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros » (C.trav art L.1155-1 qui fait référence au délit d’entrave).

Obligation d’indépendance du médiateur
Le législateur s’est inspiré du médiateur intervenant dans les conflits collectifs au travail (C.trav. art. L 2523-1 et s) omettant que la mission première du médiateur n’est pas de concilier les parties ni de les conseiller. En effet, tout médiateur conventionnel ou judiciaire s’engage à une obligation d’indépendance, de neutralité, d’impartialité et de confidentialité. Il s’interdit donc de proposer des solutions aux parties. Cependant, adresser des propositions écrites lorsque la conciliation échoue nécessite de prendre position, d’altérer la confiance et de limiter la liberté de parole. Les échanges en médiation sont confidentiels. Le restent-ils après l’envoi de propositions écrites ?

Veiller aux intérêts de toutes les parties
En réalité, le médiateur ne se substitue ni aux professionnels du droit ni aux délégués syndicaux. Le médiateur doit recueillir le consentement éclairé des parties avant d’engager le processus. « Il veille au respect des intérêts de toutes les parties et, notamment, de la personne qui se déclare harcelée en s’assurant de sa capacité à participer activement au processus, reprend Françoise Maréchal-Thieullent. Les parties assistées de leurs conseils se doivent de participer loyalement à la médiation. Dans tous les cas, si le médiateur constate une atteinte à l’intégrité physique ou morale, il arrêtera la médiation et pourra lever la confidentialité comme tout professionnel confronté à une telle situation. »

Faut-il faire évoluer le droit ?
La Chancellerie, le ministère du Travail et le législateur devraient-ils s’accorder pour réécrire ces textes afin de permettre un traitement harmonieux des conflits qui font partie de la vie des organisations ? « Le droit doit offrir une réponse adaptée aux besoins et aspirations des humains à un coût raisonnable et de manière satisfaisante », insiste l’avocate. Tout citoyen aspire à la paix sans pour autant renoncer à un idéal de justice en faisant entendre sa voix de façon constructive.

Erick Haehnsen

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