Gérer les risques
Aujourd'hui et demain

Risques industriels et environnementaux

La supervision : fédérer l'hétérogénéité

La supervision change. Elle est en passe d'entrer dans une nouvelle ère qui verra la fin des solutions propriétaires au profit d'outils plus ouverts pour la gestion d'installations hétérogènes...

La raison d’être de la supervision repose sur un constat simple : l’intégration de nombreux systèmes de sécurité entre eux est de plus en plus courante et nécessaire. Les utilisateurs la demandent. Supervision parfois mise en réseau avec la sécurité informatique et la GTB. De plus en plus de fabricants d’équipements de sécurité développent et proposent des logiciels et plates formes permettant de fédérer les différentes fonctions de sécurité de leurs propres offres et, parfois, celles de tiers. Les acteurs de la supervision peuvent, en gros, être divisés en trois groupes. Ceux que nous appellerons les « historiques » – les Chubb, Siemens, Securidev (qui vient de lancer une nouvelle solution), etc. Viennent ensuite des sociétés issues de l’informatique ou des télécoms qui proposent des solutions pour des installations hétérogènes. Et, enfin, des sociétés comme Sinovia ou B.TIB, qui ne sont pas issues du monde de la sécurité, qui ne font pas non plus réellement partie du monde des télécoms ou de l’informatique, mais qui proposent ou développent également des solutions ouvertes pour la supervision d’équipements de différentes marques. Cette diversité de l’offre fait qu’aujourd’hui, la supervision est utilisée dans de nombreux secteurs d’activités (pétrochimie, chimie, GTB, GTC, industrie, etc.). Elle permet à l’utilisateur final de disposer de la bonne information au bon moment et de la fournir à la personne qui saura au mieux l’exploiter.
La supervision a longtemps été une affaire de « chapelles ». Chaque fabricant développant son outil de supervision dédié à ses matériels. La généralisation des réseaux, la simplification des outils informatiques, les nouveaux besoins exprimés par les utilisateurs ont conduit les professionnels, du moins une partie d’entre eux, à changer leur fusil d’épaule. La propriété n’est plus à la mode. Les outils de supervision dits « propriétaires » existent toujours. Mais leurs jours sont comptés. Explications.

Un peu d’histoire

La supervision est née avec l’apparition des API (automate programmable industriel), il y a environ une trentaine d’années. Cette correspondance entre la supervision et les automates industriels a très vite lié cette dernière aux constructeurs d’automates. La supervision n’était alors envisagée que dans le but de piloter les automates. Les choses ont changé avec le développement des outils informatiques dans le monde industriel. Ce tournant, dans les années 1990, repose sur l’apparition des SNCC (système numérique de contrôle-commande). Ces petits équipements sont des ordinateurs spécialisés permettant, comme leur nom l’indique, de contrôler et de commander des processus industriels. Les SNCC reposaient sur des outils très  » propriétaires « . On ne peut que le constater : qu’il s’agisse des API ou des SNCC, la programmation et l’origine du matériel étaient primordiales. Ce sont les réseaux, la généralisation des outils informatiques qui ont permis d’ouvrir d’autres horizons à la supervision. Les concepteurs d’outils sont aujourd’hui capables de proposer aux utilisateurs finaux des systèmes de supervision reposant sur des instruments plus conviviaux. La supervision se propose aujourd’hui de gérer l’hétérogénéité des systèmes. Elle ne se limite plus seulement à la simple GTC ou GTB. Dorénavant, elle a les moyens de gérer l’intrusion, le contrôle d’accès, la lutte contre l’incendie, l’énergie et les équipements de supervision grâce à des interfaces graphiques et autres protocoles de communication.

A bas la propriété !

« On rencontre encore trop de systèmes propriétaires. Il faut mettre l’information à la disposition de l’utilisateur qui souhaite de plus en plus d’ouverture« , c’est ainsi que Jacques Bourgain, gérant de la société B.TIB, décrit le marché français et européen de la supervision. En parlant de la sorte, il exprime son regret de voir des concepteurs de solutions de supervision commercialiser des outils dans lesquels l’information n’est pas directement exploitable par l’utilisateur. « Il est dommageable pour notre activité, à l’heure des réseaux et des outils informatiques de plus en plus conviviaux, de voir des installations de supervision dans lesquelles sont utilisés des protocoles et des logiciels propriétaires. Il serait bon que les sociétés travaillant sur ce secteur fournissent un effort de normalisation important afin de fournir à l’exploitant un outil de supervision dans lequel les données seraient utilisables à bon escient via des outils informatiques classiques et connus de tous, tels qu’Autocad ou Excel. » Ce point de vue est totalement partagé par Carlos Moreno, président-directeur général de Sinovia. Depuis longtemps, sa société a fait le choix du TSP (tout sauf le proprio). La solution ainsi développée par Sinovia, Plug & View, est totalement ouverte. L’ouverture est le nouveau credo de la supervision.

Vive l’ouverture !

On l’a vu : la supervision a changé de dimension avec la banalisation des outils informatiques. Jacques Bourgain le confirme : « L’affirmation de groupes tels que Microsoft, Apple, etc. favorise le développement de la supervision ‘ouverte’. Ces grands faiseurs, de par leur poids sur le marché de l’informatique, jouent un véritable rôle de prescripteurs. Ils tirent le marché vers plus de technologie. Par ailleurs, leurs systèmes, logiciels et autres outils sont aujourd’hui connus de tous. Qui ne sait pas se servir de Word, Excel ou ne maîtrise pas l’intuitivité des logiciels et environnements de ces géants ? C’est sur ce caractère intuitif qu’il faut s’appuyer. Ces environnements sont aujourd’hui présents dans toutes les entreprises. Il faut s’en servir pour en faire un outil de développement de solutions de supervision plus simples« . L’utilisateur lambda est aujourd’hui parfaitement familier de ce type d’outils. Il faut s’appuyer sur cela en développant donc des solutions qui reposent sur ces logiciels afin de permettre à l’opérateur de garder ses outils quelle que soit l’évolution future de l’installation de supervision.

Des acteurs européens un peu frileux ?

Des acteurs européens un peu frileux ? Ce marché se développe et croît de manière régulière. Il pourrait augmenter de manière plus soutenue si certains verrous sautaient. Pour Jacques Bourgain, en Europe, les opérateurs classiques de la supervision cherchent encore trop à protéger le pré carré. Alors que, dans d’autres pays, ils font réellement du business et s’adaptent aux besoins de la clientèle. Il s’explique : « Aux Etats-Unis, par exemple, de grands groupes – qui travaillent aussi en Europe – proposent des solutions de supervision différentes de celles commercialisées en France. Ainsi, la solution Tridium que nous commercialisons en France, l’est également aux Etats-Unis par des groupes comme Honeywell, Johnson Control ou Siemens, alors qu’ils ne la proposent pas encore en France« . Pour Carlos Moreno, ce comportement est regrettable. « Il nuit un peu au développement de la supervision car chacun, en voulant préserver ses parts de marchés – grâce aux systèmes propriétaires – retarde d’autant la normalisation de ce type d’application. Il existe encore plusieurs centaines de protocoles de communication utilisés dans la supervision. Comment, dès lors, envisager sérieusement que l’utilisateur final s’y retrouve ? Qu’il par-vienne à faire la part des choses ? A choisir la solution la plus adaptée, tout en étant certain de sa pérennité ? Il faut donc travailler et communiquer pour la généralisation des protocoles normés qui sont au nombre d’une dizaine, parmi laquelle on peut citer Modbus TCP et Modbus +, Lon, Batibus, Jbus, Profibus DP, etc. C’est à ce prix que l’on pourra offrir aux utilisateurs des outils pérennes. Cette démarche correspond aux attentes d’une bonne partie des utilisateurs finaux. » Ces derniers souhaitent, en effet, de plus en plus, à l’image de ce qui se fait depuis de longues années aux Etats-Unis – où les utilisateurs refusent les solutions constructeur –, disposer d’un système de supervision qui ne soit plus tributaire de l’informatique. La mise en place des applications nécessite une intervention des informaticiens lors de la phase de programmation. Or, cela rend la supervision très dépendante de l’informatique et de son évolution. La durée de vie de la supervision est alors celle de la durée de vie de la solution informatique elle-même. Informatique qui évolue de plus en plus vite

MOISE et l’Hypervision

L’autre grande évolution de la supervision a pour origine l’armée. Les militaires ont très tôt cherché à se doter d’outils « non constructeurs et non-propriétaires ». Les investissements dans le secteur de la défense atteignent souvent des montants considérables. Il leur fallait donc disposer d’infrastructures évolutives qui leur permettent d’y intégrer librement de nouveaux équipements. C’est de ce constat qu’est né MOISE. Cet acronyme résume à lui seul ce qu’est en passe de devenir la supervision et ce qu’elle sera sûrement demain. M pour modularité. O pour ouverture. I pour interopérabilité. S pour standardisation et E pour évolutivité. Pour Carlos Moreno, une supervision respectant les concepts MOISE et bâtie à partir du référentiel bâtiment (les standards, les plans, etc.) est un investissement rentable et constitue l’avenir. « On peut dire, en forçant un peu le trait, que la supervision telle que nous la connaissons sera demain remplacée par l’hypervision. La supervision fonctionne selon une segmentation verticale des équipements à gérer : incendie, intrusion, climatique, éclairage, etc. L’hypervision est transversale. Elle permet de cogérer plusieurs types d’équipements. Elle nous permet vraiment de fédérer l’hétérogénéité« , conclut-il.

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Cet article est extrait du Magazine APS n°148 – février 2006.
Pour plus d’information sur nos publications, contactez Juliette Bonk .

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