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Aujourd'hui et demain

Sûreté et sécurité

Drones : de la surveillance à l'action ?

En sécurité, protection civile ou lutte contre l’incendie, les drones ont jusqu’ici assuré des missions d’analyse, inspection ou surveillance. Forts de technologies arrivant à maturité, ils mettent désormais une hélice dans le largage de bouées connectées, la pulvérisation de gaz lacrymogènes ou la livraison d’urgence médicale.

Après les applications grand public, les drones professionnels s’inscrivent désormais durablement dans le paysage de la protection civile, la lutte contre l’incendie et la sécurité. Selon Gartner, le cabinet américain d’analyse, le marché mondial du drone devrait quasiment doubler, passant d’un chiffre d’affaires cumulé de 6 milliards de dollars en 2017 pour 3 millions de machines vendues (en progression de 34,3% par rapport à 2016) à 11,2 milliards de dollars en 2020. Cependant, les deux principaux segments de marché, les drones grand public et les drones professionnels, adoptent des trajectoires diamétralement opposées. En effet, le premier créneau enregistre 2,8 millions de machines vendues l’an passé contre 174 000 unités pour les applications professionnelles. Mais côté recettes, le segment professionnel se taille la part du lion avec un volume de ventes de 3,687 milliards de dollars (61%) contre 2,362 milliards (39%) pour les machines grand public. Et l’écart devrait se creuser dans les années à venir, à mesure que les applications professionnelles se développeront. En France, le nombre de drones professionnels a dépassé les 9 000 ventes, indique l’Union nationale des exploitants professionnels d’aéronefs télépilotés (Unepat).

Sauver des vies et épargner des professionnels des services de secours
En protection civile, lutte contre l’incendie et sécurité, les drones professionnels ont jusqu’ici assumé des missions d’analyse, inspection ou surveillance. Et avec succès, comme en témoigne une récente étude de DJI, le leader mondial du secteur, indiquant que 65 personnes ont été sauvées dans le monde entre mai 2017 et avril 2018 grâce à un drone. Ce chiffre est, d’ailleurs, certainement très en-dessous de la réalité. Néanmoins, l’étude de DJI révèle des tendances intéressantes en matière d’utilisation des drones pour sauver des vies. Tout d’abord, l’usage des caméras thermiques a permis de sauver au moins quinze victimes non détectées par les caméras usuelles à cause de l’obscurité ou d’obstacles. Ainsi le rapport de DJI mentionne-t-il le cas d’une jeune fille de 11 ans perdue dans une forêt du Minnesota (Etats-Unis) qui s’était endormie de froid par – 1°C. Les sauveteurs étaient passés plusieurs fois à côté d’elle, mais seul le drone équipé d’une caméra thermique a pu permettre la retrouver et la mettre au chaud.
Des drones ont également aidé des professionnels de la protection civile ou même des pompiers à préserver leur propre vie lors d’opérations dangereuses. Toujours selon le rapport de DJI, un motoneigiste a traversé un lac lors d’une forte tempête dans une région rurale de l’Ontario, au Canada et a actionné sa balise de détresse. A plus d’un kilomètre au large, le service ambulancier du comté de Renfrew a transporté un drone sur les lieux et s’est rendu compte que le motoneigiste avait disparu sous la glace… Les ambulanciers ont alors pu juger que cette mission de récupération devait attendre des conditions météorologiques plus sûres. A côté de cela, les missions de recherche ou de sauvetage ne connaissent pas toutes un dénouement heureux. Dans les cas où les victimes ne peuvent être sauvées, les secours publics font aussi appel aux drones pour retrouver les dépouilles mortelles.

Le vol autonome en voie de généralisation

A l’instar de DJI, Drone Volt, Helper Drone ou Yuneec, des constructeurs comme Skeyetech (racheté par Azur Drones) ou Drone Protect System (DPS) multiplient les automatismes pour rendre les drones le plus autonome possible. En témoigne le nouveau système intégré 3S de DPS, dédié à la surveillance des sites sensibles, qui décolle en 25 secondes après déclenchement d’une alerte. Outre le drone lui-même, l’offre se compose d’une base d’accueil et de rechargement, d’une connexion vers les systèmes de sécurité globale déjà en place (hyperviseurs, superviseurs) ainsi que d’une liaison pour transmettre les images du drone vers le centre de surveillance. Cette solution a reçu le brevet de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) pour opérer sur l’ensemble du territoire français. Ce qui intéresse la surveillance des sites industriels, sites agricoles, plateformes pétrolières ou encore des sites d’extraction minière. Sans oublier les ambassades, les aéroports, les gares ou les ports. Grâce à ce type d’offre intégrée, le constructeur chinois Yuneec fournit son H520 à l’Ecole d’application de sécurité civile de Valabre (EcASC) pour la formation des sapeurs-pompiers. « Dans ce centre de formation, il s’agit de former les sapeurs-pompiers à intégrer le drone à un dispositif aéroterrestre de sécurité civile en conditions extrêmes, explique Christophe Sautarel, responsable de la marque Yuneec pour la France. Le drone n’éteindra pas un incendie mais, en prenant de la hauteur, il permettra de cartographier une scène de catastrophe, notamment grâce à une caméra thermique, afin de déterminer comment de repérer les victimes et de les sauver. »

Le drone H520 contribue à la formation des sapeurs-pompiers
de l'Ecole d’application de sécurité civile de Valabre (EcASC).
© Yuneec
Le drone H520 contribue à la formation des sapeurs-pompiers
de l’Ecole d’application de sécurité civile de Valabre (EcASC).
© Yuneec

L’appel de la logistique d’urgence médicale

Cependant, le drone ne se contente plus d’être une simple caméra communicante. Le cas échéant, le drone est en mesure d’assister un sapeur-pompier qui doit descendre en rappel pour récupérer une victime, notamment en pleine montagne. Une fois la victime atteinte, le sapeur-pompier s’adresse à sa base pour que le drone lui rapporte d’éventuels médicaments ou une poche de sang… « Pour l’heure, difficile de demander davantage au drone en matière de logistique médicale d’urgence », remarque Christophe Sautarel. Et il n’a pas tort, comme en témoigne le projet Drone for Life de logistique d’urgence médicale urbaine. Démarré en 2015, celui-ci a rassemblé, entre autres, le CHU de Bordeaux, l’Agence régionale de santé Aquitaine, le groupe pharmaceutique Abbott et la start-up Sysveo. Hélas, cette dernière, qui prévoyait de lancer une offre commerciale fin 2017, a été déclarée en liquidation judiciaire en mai de la même année par le tribunal de Bayonne.

Le projet de logistique d'urgence médicale urbaine
Drone for life n'a pas su convaincre. © Sysveo
Le projet de logistique d’urgence médicale urbaine
Drone for life n’a pas su convaincre. © Sysveo

Larguer des bouées de sauvetage connectée

« Selon un rapport de l’OMS, 392 000 personnes meurent chaque année de noyade sur le littoral rien qu’aux USA, au Canada et en Australie, comptabilise Fabien Farge, médecin urgentiste, co-fondateur de Helper Drone avec David et Anthony Gavend. Face à cette catastrophe de santé publique, j’ai eu l’idée de survoler les vagues plutôt que de les traverser. » De cette idée est né le drone Helper. « Il fallait réduire le temps d’intervention des secours ainsi que le stress de la victime. C’est pourquoi nous avons créé une bouée connectée et communicante [que le drone largue] pour créer un lien humain entre la victime et le sauveteur », précise Gérald Dumartin, pilote de drone.
Grâce à une cartographie numérique de la plage, il suffit au maître-nageur-sauveteur (MNS) qui repère une personne en difficulté de pointer le doigt sur l’écran de l’application connectée et le drone décolle. En quelques secondes, il se rend automatiquement sur la zone réelle où se trouve la personne en détresse. Puis il largue la bouée auto-gonflable juste au-dessus de la personne. Ce qui permet de mettre le nageur en sécurité durant les quelques minutes nécessaires aux sauveteurs pour parvenir jusqu’à lui en waterscooter. Pendant ce temps-là, un sauveteur peut discuter en temps réel avec le nageur toujours grâce à la bouée connectée. « Nous avons réalisé des sauvetages dans des conditions extrêmes : avec de la houle, du courant, en offshore », confie David Gavend, designer technique et électronique de Helper Drone. De fait, le système de la start-up a été testé en conditions réelles sur une plateforme pétrolière de Total. L’été dernier, il est intervenu 50 fois et a permis de sauver trois vies. « Les tests ont révélé que, lorsque la victime aperçoit le drone, son stress diminue très fortement », reprend Gérald Dumartin. La jeune pousse landaise devrait étendre les applications de son drone dans le domaine des incendies, des accidents de la route ou encore des risques industriels.

Repéré par un maître-nageur-sauveteur, ce nageur
en détresse va recevoir une bouée auto-gonflable
communicante que vient de larguer le drone.
© Helper Drone
Repéré par un maître-nageur-sauveteur, ce nageur
en détresse va recevoir une bouée auto-gonflable
communicante que vient de larguer le drone.
© Helper Drone

Vers des actions offensives ?

Depuis deux ans, Drone Volt pousse encore plus loin la capacité d’action de son quadrirotor Hercules 10 Protector. Commercialisée depuis Eurosatory 2016, sa version Tear Gas embarque des cartouches de gaz lacrymogène. Que l’on se rassure, cette solution n’est pas utilisée en France sur asperger les manifestants. En effet, celle-ci est uniquement commercialisée à l’exportation – cependant la société reste discrète à la fois sur les clients et les pays où cette solution serait utilisée. Moins chanceux, son drone Spray Hornet, qui pulvériserait un puissant insecticide sur les nids de frelons asiatiques, n’est plus proposé à la vente. Reste que le principe du spray continue d’intéresser le BTP pour diffuser des produits d’entretien sur les toits des bâtiments. La société préfère aujourd’hui miser sur le développement de son Hercules 5 UF qui, « grâce à sa caméra zoom x30, sa caméra thermique et sa station d’alimentation au sol dotée d’un câble de 80 mètres de long, maintient une surveillance 24/7 sur un périmètre de 500 hectares avec une retransmission sécurisée des données, décrit Céline Vergely, responsable communication du groupe. Ses bras sont entièrement pliables, ce qui le rend ultra compact pour faciliter son transport. Conçu pour des missions d’inspection et de surveillance, l’Hercules 5 UF, qui est opérationnel en 15 minutes environ, peut embarquer un hotspot WiFi pour partager une connexion Internet afin de coordonner des opérations sur un secteur. » Ou de fournir une solution de communication après une catastrophe naturelle ou industrielle. Une chose est sûre, ces petites machines volantes resteront sur les métiers d’analyse, d’inspection et de surveillance mais, peu à peu, ils trouveront des débouchés plus actifs.

Erick Haehnsen

Le drone Hercule 10 Protector a ouvert la voie au spray.
Ici, au service du BTP. Ailleurs, pour diffuser des gaz
lacrymogènes. Quant au drone Hercules 5 UF à câble,
il peut devenir relais WiFi. © Drone Volt
Le drone Hercule 10 Protector a ouvert la voie au spray.
Ici, au service du BTP. Ailleurs, pour diffuser des gaz
lacrymogènes. Quant au drone Hercules 5 UF à câble,
il peut devenir relais WiFi. © Drone Volt

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